Name: Grand Conseil des Pays-Bas à Malines. Procès. Appels de Namur - Grote Raad voor de Nederlanden te Mechelen. Processen. Beroepen uit Namen
Period: 1473-1795
Inventoried scope: 61,2 linear meters
Archive repository: National Archives of Belgium
Heading : Spanish and Austrian Netherlands
Authors: D. Leyder
Year of publication: 2014
Code of the inventory: I 560
Grand Conseil des Pays-Bas à Malines
L'histoire externe du Grand Conseil de Malines (1) prend sa source dans le conseil des Ducs de Bourgogne, composé de membres de la noblesse et de juristes. L'extension territoriale ininterrompue de l'État bourguignon sous Philippe Le Bon (1419-1467) alourdit sensiblement le poids des affaires administratives aussi bien que celui des dossiers judiciaires devant être traités. Il s'ensuivit une lente mais sûre répartition des tâches (ou spécialisation) parmi les conseillers. Peu à peu, la section composée de juristes s'organisa en cour de justice itinérante, qui prit le nom de " Grand Conseil de justice ". Vers 1445, cette nouvelle institution fut effectivement séparée du Conseil ducal originel.
Fin 1473, Charles le Téméraire (1467-1477) érigea ce Grand Conseil ambulatoire en Parlement souverain, disposant de sa propre chancellerie et d'une résidence permanente à Malines (édit de Thionville, 8 décembre 1473). La fondation du Parlement de Malines s'inscrit dans le processus d'unification des complexes étatiques d'Europe de l'Ouest au cours du 15ème siècle (Rex est Lex), et traduit encore un autre objectif politique caressé par les Ducs de Bourgogne : se rendre autonome, s'émanciper tout à la fois de la France et du Saint Empire romain de la Nation germanique. Ainsi, la Flandre et l'Artois, relevant du Parlement de Paris en tant que fiefs du roi de France, furent soustraits à cette institution.
La mort de Charles le Téméraire à Nancy (janvier 1477) sonna cependant le glas du Parlement de Malines. Sous la pression des composantes brabançonne et hennuyère des Etats Généraux, qui le dénonçaient comme émanation flagrante de la politique centralisatrice des ducs de Bourgogne, l'institution fut purement et simplement supprimée par Marie de Bourgogne (1477-1482), fille du Téméraire (Grand Privilège, 11 février 1477). À beaucoup d'égards, on en revint à la situation qui prévalait avant 1473. Le Grand Conseil ambulatoire fut restauré et sur les instances de Louis XI, l'autorité du Parlement de Paris fut rétablie.
Par une ordonnance du 22 janvier 1504, Philippe le Beau fixa à nouveau (et cette fois définitivement) le siège du Grand Conseil à Malines. Durant près de trois siècles - soit de 1504 à 1795 - le Grand Conseil des Pays-Bas demeura à Malines de façon presque constante. Du fait de conflits militaires, les conseillers eurent par deux fois, au cours de toute cette période, à s'établir dans des lieux plus sûrs, mais chaque fois ils s'en retournèrent ensuite à Malines. Ainsi, ils déménagèrent à Namur au milieu de l'année 1580, après que les calvinistes se furent emparés de Malines. C'est au lendemain de la chute d'Anvers qu'ils regagnèrent leur résidence malinoise (septembre 1585). Pendant la guerre de Succession d'Autriche, les membres du Grand Conseil furent à nouveau contraints de trouver refuge à Namur (1746-1747), pour fuir les troupes de Louis XV qui s'approchaient dangereusement de Malines. De Namur, ils gagnèrent l'abbaye d'Echternach (Duché de Luxembourg, 1747), où ils restèrent jusqu'à la Paix d'Aix-la-Chapelle (15 février 1749).
À la fin du XVIIIème siècle, l'institution entra dans une zone de fortes turbulences lors de l'accession au trône de l'empereur Joseph II. En effet, l'ambitieuse réforme judiciaire qu'avait initiée l'impatient souverain se solda par la suppression pure et simple du Grand Conseil comme de tous les tribunaux " belges " (2) (1er janvier 1787). En lieu et place était mise sur pied une nouvelle organisation judiciaire, composée de soixante-quatre tribunaux de première instance, de deux cours d'appel (Bruxelles et Luxembourg) et d'une cour suprême établie à Bruxelles (" Conseil Souverain de Justice "), à la fois instance de révision et organe central du pouvoir judiciaire. Face à cette réforme radicale, le Grand Conseil se soumit promptement et sans guère de protestation, peut-être dans l'espoir de pouvoir se fondre dans le nouveau Conseil Souverain de Justice. Les représentants de l'empereur (Marie-Christine et Albert Casimir de Saxe-Teschen) durent toutefois suspendre son édit dès la fin du mois de mai 1787. La vague des protestations formulées à l'encontre des réformes s'avérait - sauf au Luxembourg - trop importante.
Tous ces événements n'avaient interrompu les activités du Grand Conseil que pendant quelques mois tout au plus. Par contre, la Révolution brabançonne (décembre 1789) entraîna une suspension prolongée de ses séances. Ce n'est qu'avec le retour des Autrichiens (novembre-décembre 1790), cette fois sous la conduite de l'empereur Léopold II (3), que la vieille institution put reprendre ses travaux. Le nouveau souverain annula toutes les réformes de son prédécesseur et en revint, en matière institutionnelle, à la tradition.
Après que les armées révolutionnaires françaises eurent " libéré " les Pays-Bas du despotisme (bataille de Jemappes, début novembre 1792), le Grand Conseil suivit le gouvernement dans sa retraite vers l'est. L'institution demeura à Ruremonde jusqu'à la bataille de Neerwinden (18 mars 1793), dont l'issue laissa entrevoir la perspective d'une seconde restauration autrichienne. En juillet 1793, elle reprit le chemin de Malines.
Grâce à leur victoire de Fleurus (26 juin 1794), les Français purent à nouveau se frayer un chemin vers la conquête des Pays-Bas méridionaux, tandis que les Autrichiens refluèrent une fois encore en direction de l'est. Plusieurs membres du Grand Conseil (parmi lesquels le président, le procureur-général et son substitut) les accompagnèrent en exil.
Le 1er octobre 1795, nos régions furent annexées à la République française. Les nouvelles autorités décidèrent, le 27 novembre de la même année, de supprimer les anciennes institutions judiciaires. Néanmoins, les conseillers exilés poursuivirent leurs activités quelque temps encore (à Regensburg et à Augsbourg). Un terme définitif y fut mis par le Traité de Campo Formio (17 octobre 1797). L'empereur d'Autriche y renonçait officiellement à toute prétention sur nos régions, et le Grand Conseil était définitivement aboli.
Les compétences du Grand Conseil ne furent jamais énumérées et précisées légalement. Des spécialistes se sont essayés à en donner un aperçu sur base de la procédure et de la justice rendue. Il convient toutefois de souligner que leurs travaux ont essentiellement porté sur les 15ème et 16ème siècles.
À l'instar des autres cours de justice des Pays-Bas, le Grand Conseil remplissait un certain nombre de tâches d'ordre administratif. L'institution fournissait ainsi divers avis aux autorités centrales. Elle garantissait également - après approbation et registration - la publication de la législation du pouvoir central dans la seigneurie de Malines.
En première instance
Ratione personae, le Grand Conseil était compétent en première et en dernière instance pour tout qui pouvait exciper, du fait de son titre ou de sa fonction, du privilegium fori. Ceci englobait toutes les personnes apparentées au souverain ou investies de fonctions importantes dans l'administration du pays : princes de sang, chevaliers de la Toison d'Or, membres de la cour (en ce compris les employés subalternes et les valets), hauts fonctionnaires et bien entendu les membres du Grand Conseil eux-mêmes (ainsi que leurs familles). Les compétences du Grand Conseil s'étendaient aussi aux personnes et institutions placées sous la sauvegarde du souverain: diplomates d'autres pays, négociants étrangers, certains artisans, institutions caritatives et même les veuves et les orphelins (qui, en tant que miserabiles personae, jouissaient de la protection spéciale du souverain). Les délits commis par les fonctionnaires du souverain (abus de pouvoir, arbitraire, oubli de leurs devoirs) étaient également portés en première instance devant le Grand Conseil.
Ratione materiae, le Grand Conseil était compétent en première et en dernière instance pour un grand nombre d'affaires. Nous pouvons citer par exemple les cas réservés. Il s'agissait d'affaires portées directement devant le souverain (ou sa justice), sans passer par les cours scabinales et féodales, parce que c'étaient le souverain, son autorité, son domaine ou l'ordre public qu'elles mettaient en cause (e.a. crimes de lèse-majesté, faux monnayage, atteintes à l'ordre public, délits de censure, etc.). Les litiges relatifs aux décisions du souverain (dans l'acception la plus large du mot) étaient eux aussi portés en première instance devant le Grand Conseil (ordonnances, décrets, privilèges, nominations, mandements, dons, lettres de course, etc.). L'institution se prononçait en outre pour une série de litiges portant sur les droits régaliens (aides et autres impôts, droits de péage, etc.). Les actions en maintenue étaient elles aussi de son ressort, de même que les contestations de sentences rendues par le Grand Conseil lui-même. Celui-ci jouissait enfin d'une compétence par prévention.
En appel
En principe, l'appel n'était envisageable que pour des affaires civiles.
Originellement, l'appel contre des jugements des tribunaux inférieurs était confié aux conseils provinciaux de justice (p. ex. le Conseil de Namur). C'est par-dessus ces conseils provinciaux que se développa le Grand Conseil, et avec lui, à partir de 1450 environ, une seconde forme d'appel, visant les jugements des conseils provinciaux en question. Ainsi apparut la possibilité d'un double appel (p. ex. contre un jugement d'une cour scabinale devant le Conseil de Namur, puis contre un jugement de ce dernier devant le Grand Conseil de Malines).
Simultanément, la possibilité existait d'introduire directement devant le Grand Conseil un appel contre des jugements rendus par les cours scabinales et les cours féodales. Cette faculté était utilisée lorsque ces juridictions inférieures ne relevaient d'aucun conseil provincial de justice (p. ex. Cambrai, Valenciennes, les Terres de Débat (4), les Terres Franches (5), la seigneurie de Malines) (6), ou bien " sans moyen " (omisso medio), c'est-à-dire sans avoir recours à la procédure d'appel intermédiaire devant le conseil provincial de justice dont dépendait la juridiction inférieure en cause.
Réformation
La réformation était une technique juridique selon laquelle les jugements rendus par certaines cours scabinales privilégiées étaient directement transférés devant le Grand Conseil, pour un second traitement sur le fond suivant la procédure de première instance. Contrairement aux affaires traitées en appel, le jugement initial était, avec la réformation, bel et bien exécuté.
Évocation
En vertu de l'évocation, une affaire - lorsqu'elle était pendante - pouvait être soustraite à une juridiction inférieure pour être soumise au Grand Conseil. À partir de 1531, le recours à cette procédure était subordonné, en principe, à l'intervention personnelle du souverain.
Révision
La révision (ou proposition d'erreur) est une technique qui pouvait être invoquée, sous certaines conditions, en cas de contestation d'un prononcé du Grand Conseil lui-même. La sentence controversée faisait l'objet d'un examen par un collège de membres du Grand Conseil (qui avaient donc à statuer sur leur propre décision), élargi à des membres de conseils provinciaux de justice et du Conseil privé. Aucune révision d'affaires possessoires (7) et de sentences interlocutoires " réparables en diffinitive " n'était cependant possible. En révision (et durant le 16ème siècle au moins) la sentence initiale était elle aussi exécutée (et non suspendue).
Condamnation volontaire
Cour suprême de justice, le Grand Conseil était habilité à rendre le droit à l'issue des diverses procédures de contradiction (en d'autres termes, tout ce qui précède). Il traitait aussi les condamnations volontaires. En vertu de la condamnation volontaire, les parties acceptaient, dans le cadre ou non d'un différend, d'être condamnées à l'application d'un accord.
Le ressort du Grand Conseil et de ses prédécesseurs en droit évolua fortement au fil du temps, et cela dans un sens comme dans l'autre. Sous la pression de facteurs internes et externes, l'influence du Grand Conseil se réduisit toutefois graduellement dès la fin du 16ème siècle.
Si le Grand Conseil itinérant tel qu'il existait sous Philippe le Bon et Charles le Téméraire constituait la cour suprême de justice pour l'ensemble des possessions souveraines des ducs de Bourgogne, le ressort du Parlement de Malines se limitait aux pays de par deça (Thionville, 1473). Et tandis que le Parlement de Malines était compétent pour les onze principautés et provinces des " Pays-Bas " qui se trouvaient en 1473 sous la souveraineté de Charles le Téméraire (à savoir le Brabant, le Limbourg, la Flandre, la gouvernance de Lille/Douai/Orchies, l'Artois, le Hainaut, Namur, le Luxembourg, la Hollande, la Zélande et la seigneurie de Malines), le Grand Conseil itinérant perdit, lors de sa résurrection, toute autorité sur la Flandre et l'Artois. Dès 1477, c'est à nouveau auprès du Parlement de Paris qu'étaient introduits les appels en provenance de ces deux comtés (8).
L'ordonnance de 1504 fixant, à titre définitif, le Grand Conseil à Malines, n'apporta aucune modification à son ressort. Celui-ci s'étendit fortement, par contre, par suite des conquêtes et autres faits d'armes de Charles Quint, au 16ème siècle : Tournai et le Tournaisis en 1521, la Frise en 1523, Utrecht en 1529 et la Gueldre en 1547. In 1522/1526, l'empereur parvint même à rattacher la Flandre et l'Artois au ressort de l'institution (Paix de Madrid).
Pratiquement à la même époque, le Grand Conseil eut à encaisser de sérieuses pertes territoriales. Le Conseil de Hainaut et le Conseil de Brabant revendiquèrent leur souveraineté, qui ne tarda pas à être reconnue (le Hainaut en 1515, le Brabant respectivement en 1515 et en 1530).
La Révolte des Pays-Bas (et la scission qui s'ensuivit) se traduisirent par un nouveau recul du ressort en appel du Grand Conseil. Hormis la Gueldre espagnole, tous les territoires septentrionaux furent perdus au cours des années 1580-1585 (Hollande, Zélande, Utrecht, Frise et la majeure partie de la Gueldre) et définitivement soustraits - tout comme le nord de la Flandre - à l'autorité du Grand Conseil.
Durant le 17ème siècle, les guerres entreprises contre les souverains espagnols par les rois Louis XIII et Louis XIV se soldèrent également par d'importants reflux territoriaux. Dès 1643, l'Artois dut être abandonnée, avant que l'expansion française n'absorbât, pendant le dernier tiers du siècle, des parties entières du comté de Flandre (Lille et Douai, Cassel, Bourgbourg, Bergues, Dunkerque, Bailleul), du Hainaut (Valenciennes, Maubeuge, Avesnes) et du Luxembourg (Thionville) (1668-1700).
À cette époque, d'autres territoires échappèrent temporairement à l'autorité du Grand Conseil de Malines. En 1684, le duché de Luxembourg fut annexé par la France et passa sous la juridiction du Parlement de Metz. La fortune des armes le ramena en 1699 dans la sphère d'influence du Grand Conseil, hormis la région de Thionville, définitivement arrimée à la France. Au cours des années 1711-1714, un système d'appel réciproque entre les Conseils de Namur et de Luxembourg fut introduit.
La zone d'influence du Grand Conseil se réduisit encore à la fin du 18ème siècle, lorsque les Conseils de Luxembourg et celui de Tournai et du Tournaisis parvinrent à se soustraire à son autorité. Le premier obtint le statut de cour souveraine (ordonnance du 1er août 1782). Le Conseil de Tournai et du Tournaisis fut quant à lui assujetti au Conseil souverain du Hainaut (ordonnance du 22 novembre 1782).
La suppression du Conseil de Brabant par Joseph II, en juin 1789, restaura la compétence du Grand Conseil sur le duché en question. Rétrospectivement, cette tardive extension apparaît cependant comme un chant du cygne, car le déclenchement de la Révolution brabançonne (décembre 1789) eut pour conséquence le rétablissement du Conseil de Brabant.
À la fin de la période autrichienne, le ressort territorial du Grand Conseil se réduisait à la Flandre, à Namur, à la Gueldre autrichienne et à la seigneurie de Malines (9).
L'organisation et la composition du Grand Conseil subirent nombre de modifications au cours du 15ème siècle ainsi qu'au début du 16ème siècle. Ce n'est qu'à partir de 1559 qu'une plus grande stabilité prévalut dans ces domaines (ordonnance du 8 août 1559).
Les présidents devaient garantir l'ordre et la discipline au Grand Conseil. Cependant, au 18ème siècle, ils eurent également une fonction politique. En effet, leur principale mission était alors le maintien des droits du souverain dans leur ressort.
Les conseillers étaient chargés en premier lieu du traitement des procès intentés devant le Grand Conseil. En tant que conseillers-commissaires, ils étaient également chargés - si la nécessité s'imposait - d'effectuer des enquêtes avant de rendre un verdict. Lorsque tous les éléments nécessaires étaient rassemblés, il appartenait à l'un des conseillers d'établir une brève synthèse du procès, pour permettre au Conseil de rendre sa sentence. Celle-ci était rendue à la majorité des voix, en tous cas certainement à partir de 1559.
Initialement, tous les procès étaient traités en session plénière. Cependant, le bicaméralisme se substitua à cette procédure en 1531. Désormais, deux chambres, comptant chacune au moins 5 conseillers, fonctionnèrent simultanément. Des matières importantes, délicates ou compliquées, furent encore traitées par les deux chambres réunies. En 1627, Philippe IV créa même une troisième chambre. Pour composer celle-ci, 5 conseillers supplémentaires furent désignés. La création de cette troisième chambre était motivée par le grand nombre d'affaires à traiter et par l'absentéisme de nombreux conseillers. Cependant, cette chambre fut abolie à peine cinq ans plus tard (1632).
Le nombre de conseillers évolua à travers le temps. En 1473, furent nommés 20 conseillers et 6 maîtres de requêtes. Lors de l'abolition du Parlement de Malines (1477), ce nombre fut réduit à 13 conseillers-maîtres de requêtes. En 1504, en 1509 et en 1531, le nombre des conseillers correspondit respectivement à 14, à 15 et à 12. En 1627 (année de la création de la troisième chambre), ce nombre fut porté à 19, pour retomber à 14 en 1632 (abolition de cette troisième chambre). Malgré la diminution incessante du ressort territorial du Conseil, le nombre de 14 conseillers demeura inchangé tout au long des 17ème et 18ème siècles. Parmi les conseillers du Grand Conseil, il y eut toujours quelques ecclésiastiques. Et malgré quelques contestations qui émaillèrent au cours du 16ème siècle, le procureur-général fut toujours comptabilisé parmi les conseillers.
Les greffiers - trois en 1473 et deux à partir de 1522 - prenaient soin du rôle, étaient présents lors des plaidoyers, dressaient le procès-verbal des sessions des chambres de conseil et tenaient à jour divers registres. Une partie importante de leurs tâches consistait en la rédaction des sentences, plus particulièrement les sentences " étendues ", pour lesquelles le concept (le " dictum ") était rédigé par le conseiller-rapporteur. Souvent, ils lisaient les sentences étendues en plein conseil. Ils exerçaient également le rôle d'adjoint auprès des conseillers-commissaires.
En 1504, les greffiers furent chargés explicitement de la perception des " épices ". Ces sommes, fixées par la Cour lors de la conclusion du procès, devaient être acquittées par les parties auprès du conseiller-rapporteur (dont le nom restait cependant secret). Les greffiers étaient également responsables des sommes d'argent ou des biens déposés au greffe pendant le procès. C'est le plus souvent à eux aussi qu'il appartenait d'évaluer les frais de procès.
Il importe de souligner par ailleurs que les greffiers assumaient également la responsabilité d'une partie des archives du Grand Conseil. En effet, ils gardaient les documents déposés par les procureurs au greffe et ils contrôlaient ces dossiers lors de leur réception. Afin d'assurer la gestion des nombreux sacs de procès, les greffiers étaient assistés, depuis 1559, par un clerc : le " garde-sac ". Un autre clerc s'occupait habituellement du travail d'écriture et des copies.
La tâche des secrétaires - une dizaine à partir de 1504 - englobait tout ce qui se rapportait au traitement des requêtes. En outre, ils s'occupaient de la correspondance du Grand Conseil. Souvent, les secrétaires faisaient fonction d'adjoint d'un conseiller-commissaire. Dans ce cas, ils étaient chargés des procès-verbaux des enquêtes et des verbaux.
Le receveur des exploits percevait les amendes imposées par le Grand Conseil (par exemple, pour " fol appel " ou lors de refus d'une " proposition d'erreur "). De plus, il encaissait les revenus de ventes publiques de biens confisqués, le produit de compositions avec le gouvernement, etc. Il effectuait également certains paiements : livraisons de bois et de chandelles, réparations, frais pour la concélébration de la messe, frais de voyages etc.
Deux huissiers au moins assistaient personnellement aux séances du Grand Conseil. Ils y veillaient à l'ordre et la bienséance, et avaient pour mission de repousser toute personne étrangère aux séances. Ils accompagnaient le président au moment de son arrivée et lors de son départ. La tâche la plus importante des huissiers était cependant la citation des parties ou des témoins, et l'exécution des décisions judiciaires et autres mandements de la Cour. Ils remplissaient aussi d'autres tâches, telles que l'arrestation de suspects, la confiscation de biens, la perception d'amendes, et le transport ou la surveillance de prisonniers. Enfin, la Cour faisait aussi appel aux huissiers lorsqu'elle entendait des témoins.
Le nombre des huissiers " ordinaires " fluctua quelque peu pendant le 15ème siècle. Lors de l'établissement définitif du Grand Conseil à Malines (1504), ce nombre fut fixé à douze (10). À côté de ces ordinarii, il y avait cependant - surtout en dehors de la ville - beaucoup de huissiers " extraordinaires " (des huissiers nommés sans vacance).
Les procureurs représentaient les parties en droit. Ils répondaient du (bon) déroulement du procès et passaient tous actes nécessaires à cette fin. À l'issue de la phase d'instruction du procès, le procureur remettait le dossier de sa partie au greffe. Pour ce faire, il dressait un inventaire de toutes les pièces du dossier, puis il le signait.
Les avocats aidaient leur partie avec des avis juridiques. Ils rédigeaient également les notes de plaidoirie (mémoires, avertissements, reproches, etc.). Il appartenait aussi aux avocats de plaider. De plus, les avocats servaient régulièrement d'adjoints aux conseillers-commissaires.
Initialement, un procureur ad hoc était désigné lorsque les droits ou les intérêts du souverain (dans leur acception la plus large) étaient en cause lors d'un procès. En 1477 au plus tard, la fonction permanente de procureur-général fut instaurée. Dans les procès en question, il représentait le souverain.
Le grand nombre de procès dans lequel le procureur-général se trouvait impliqué et la diversité de ses tâches et activités, rendirent nécessaire la création de la fonction de substitut procureur-général. Ce dernier assistait le procureur-général et le remplaçait en cas d'absence. À partir de 1465, la fonction de substitut procureur-général devint quasi permanente.
Le procureur-général était le représentant du souverain, mais non son avocat. Lors de la période du Parlement de Malines (1473-1477) et de nouveau à partir de 1531, cette dernière fonction fut remplie par l'avocat-fiscal (11). " L'avocat du roi " devait d'une part prêter son assistance au procureur-général et lui procurer des avis ; d'autre part, il était chargé de rédiger les notes de plaidoirie et de plaider.
Dans l'administration de la justice, les différentes techniques pour intenter un procès devant le Grand Conseil - première et dernière instance, évocation, réformation, et appel - ont donné lieu à deux sortes de procédure (12). D'une part, il y avait la procédure pour les affaires en première et dernière instance, utilisée également pour les affaires en évocation et celles en réformation. D'autre part, il y avait la procédure en appel, réservée strictement aux vraies affaires d'appel.
La procédure en première instance débutait par une requête unilatérale (" requête de venue en cour "), dans laquelle le requérant demandait d'ordonner à la partie adverse de faire (ou de laisser) ce que le requérant estimait être son droit. Cette requête était introduite auprès d'un secrétaire, qui la transmettait au président. À son tour, celui-ci communiquait la requête à un conseiller-maître des requêtes pour examen. Ce dernier examinait dans quelle mesure la demande formulée dans la requête était susceptible d'être traitée par le Grand Conseil. Il apostillait la requête et la remettait ensuite au secrétaire.
Ensuite, un mandement était délivré à un huissier, contenant l'ordre de notifier la demande à la partie adverse, et de la citer devant le Grand Conseil si elle ne voulait pas accéder à la demande (" lettres de commission "). Un rapport de la citation était dressé.
L'affaire était inscrite au rôle par la comparution des parties (ou de leurs procureurs). Ensuite, le demandeur devait formuler sa demande, et le défendeur recevait la faculté d'y répondre. Le cas échéant, ce dernier présentait une demande reconventionnelle.
Après les plaidoyers oraux, la Cour ordonnait éventuellement aux parties de confirmer leurs demandes et arguments par écrit, de soumettre leurs pièces justificatives et de déposer leurs pièces de plaidoirie (" mémoires ", " écritures " suivis, le cas échéant, " d'additions " ou " d'avertissements ", etc.) (" appointement dispositif ").
La procédure d'examen des preuves s'effectuait devant des conseillers-commissaires, préposés à cet effet par la Cour. Afin de déterminer les éléments contestés, chaque fait ou argument, avancé par une des parties adverses, était présenté à l'autre partie en demandant si elle l'admettait ou non (procédure per verbum credit vel non credit). C'était aux parties de fournir leurs moyens de preuve. L'introduction de certains documents justificatifs et la citation de certains témoins pouvaient être contestées par la partie adverse, ce qui entraînait la production de nouvelles pièces de plaidoirie (" reproches " ou " contreditz " etc.) auxquels l'autre partie avait la faculté de répliquer par des " salvations ". Parfois, les commissaires devaient entreprendre un voyage pour effectuer une enquête sur place.
Lorsque l'enquête était close, toutes les pièces du procès étaient inventoriées en présence des deux parties (ou de leurs représentants). Cette " évangélisation " des sacs de procès se faisait soit devant les conseillers-commissaires, soit au greffe. Pour ce faire, chaque partie plaçait ses pièces dans un sac de jute ou de lin, sur lequel une étiquette en parchemin était cousue contenant le nom des parties. Puis, chaque partie remettait son sac / ses sacs au greffier (" furnissement ").
Par la conclusion en droit, les parties demandaient ensuite au Grand Conseil de " dire le droit ".
Dans ce but, le président désignait un conseiller-rapporteur (i.e. " la distribution "), qui devait étudier l'affaire et dresser un rapport sur base du dossier. Lorsque le rapport le permettait, une délibération plénière avait lieu. Ensuite, l'arrêt était prononcé en audience publique.
Jusqu'à présent, la procédure devant commissaires est très mal connue. Dans ces affaires " commissariales ", les parties (ou leurs représentants) comparaissaient devant un conseiller-commissaire. Elles (Ils) formulaient leur position de manière orale, produisaient des documents (marqués comme " exhibés au verbal ", gethoond ten verbaele) et attendaient ensuite une décision. Ajoutons qu'une affaire pouvait commencer sur le rôle, pour être renvoyée aux commissaires, et retourner ensuite, éventuellement, au rôle.
Les " différents " commençaient également par une requête. À la différence des procès sur le rôle, l'apostille sur ces requêtes-ci ne comportait pas de citation mais un ordre de montrer la requête à la partie adverse (" soit [icelle requeste] monstrée à partie ") et d'attendre la réponse écrite. Ensuite, les parties procédaient pour ainsi dire par voie postale. En effet, les pièces (réponse, réplique, duplique, etc.) étaient envoyées de part et d'autre (via les maîtres des requêtes). Les parties ne comparaissaient donc jamais devant la Cour, et n'étaient pas confrontées l'une avec l'autre.
Lorsqu'une telle affaire était suffisamment introduite, le dossier était envoyé au président qui désignait un conseiller-rapporteur. Ce dernier faisait rapport à la chambre du conseil.
Dans les documents, la procédure communicatoire est aisément identifiable. En effet, les parties s'appellent toujours " suppliant " et " rescribent ", tandis que les affaires mêmes sont donc qualifiées de " différents ".
Dans le domaine des appels, le Grand Conseil de Malines établissait une distinction entre les appels de jugements rendus dans ce qu'il appelait des " procès par écrit " et les appels de sentences rendues dans des procès qu'il ne cataloguait pas comme " procès par écrit ". Dans le premier cas, la procédure en appel était utilisée. Dans le second cas, les appels étaient traités comme des affaires de première instance et donc selon la procédure correspondante.
Quand s'agissait-il d'un " procès par écrit " ? Si l'affaire intentée devant l'instance précédente (ou les instances précédentes) n'était pas instruite de manière écrite, il n'existait évidemment pas de dossier écrit. Par conséquent, l'affaire devait être reprise dès le début, selon la procédure en première instance. Si au contraire l'affaire intentée devant l'instance précédente (ou les instances précédentes) était bel et bien instruite de manière écrite (y compris un " appointement dispositif " (ordonnant aux parties de déposer leurs plaidoiries) et un " acte de conclusion " (dans lequel les parties déclaraient le litige tranché)), alors le Grand Conseil devait décider s'il allait recevoir le procès en tant que " procès par écrit " ou non. Cette décision était prise après les plaidoyers.
Si le Grand Conseil ne recevait pas le procès en question comme un " procès par écrit ", l'affaire était reprise dès le début, selon la procédure en première instance. Si, inversement, le Grand Conseil recevait l'appel d'un jugement comme un " procès par écrit ", le dossier original devait être envoyé à Malines. Dans ce cas, la Cour jugeait l'affaire sur base de ce dossier (ex eisdem actis), sans que de nouvelles pièces puissent encore être ajoutées à celui-ci (13). La question était alors de savoir si la décision du juge appelé était fondée ou non (an bene vel male iudicatum). En effet, l'origine de l'appel était un litige entre l'appelant et les juges en première instance - les appelés ou " adjournés " -, cités pour défendre leur jugement devant le Grand Conseil.
Dans ce qui suit, nous décrivons les actes les plus importants de la procédure en appel (lorsqu'il s'agissait donc d'un " procès par écrit "). Comme pour la procédure en première instance, nous signalons systématiquement les " suites archivistiques " de ces actes, pour que les chercheurs puissent reconnaître d'autant plus facilement les documents en question dans les dossiers, et pour qu'ils puissent établir plus aisément le rapport avec les registres des archives de la Cour stricto sensu. Par précaution, nous attirons l'attention du chercheur sur le fait que nombre de questions relatives à la procédure en appel restent actuellement en suspens.
Intenter une action
Celui ou celle qui se sentait lésé(e) par la sentence d'une cour, avait le droit de faire appel de cette sentence. Cela se faisait soit immédiatement après le jugement, soit endéans les dix jours. Interjeter appel au Grand Conseil de Malines s'effectuait toujours par l'envoi d'une requête, adressée au souverain. Cette requête contenait une plainte contre le jugement de la cour inférieure et la demande d'une sentence adéquate. Elle était transmise au président, qui la renvoyait à un conseiller-maître des requêtes pour examen. Sa décision était apostillée en bas de la requête et copiée en haut de la marge gauche.
Il ne suffisait pas d'interjeter appel. En effet, l'appel devait aussi être formellement relevé et signifié à la partie adverse ainsi qu'au(x) juge(s) de la cour inférieure. Ceci devait se faire endéans les trois mois suivant l'appel. En outre, le premier jour du procès en appel devait impérativement se dérouler au cours de ce délai. D'abord des " lettres patentes (de relief) d'appel " devaient être rédigées. Au nom du souverain, ces lettres - couchées sur le parchemin - étaient adressées " au premier huissier ou sergent d'armes sur ce requis ". Celui-ci notifiait l'ordre contenu dans les lettres en question (mandement de citation en appel). Les juges a quo étaient donc assignés en tant qu' " appelés " pour venir défendre leur sentence. La partie adverse - ayant gagné la cause en première instance - était intimée. Le jour convenu, elle pouvait donc comparaître devant le Grand Conseil, si ceci lui semblait opportun. Bien qu'il n'était nullement obligé de comparaître, l'adversaire était pourtant présent la plupart du temps lors d'un procès en appel.
Si l'appelant ne relevait pas son appel, la partie adverse pouvait prendre l'initiative et demander, au moyen d'une requête, de déclarer l'appel " désert " (acte de congé de court) ou de citer l'appelant négligent (lettres patentes en matière d'anticipation). Lorsque de telles lettres d'anticipation étaient données, les parties intervertissaient leur place : l'intimé - impétrant en matière d'anticipation - devenait demandeur, et l'appelant - anticipé - devenait défendeur.
Citation
Les huissiers dressaient de brefs rapports sur leur intervention, à l'intention de la Cour. Les lettres patentes d'appel (les originales) se trouvent dans le dossier de l'appelant ainsi que les exploits des huissiers, rédigés habituellement sur papier et attachés à ces premières. Dans le dossier de l'intimé, il se trouve souvent une copie (abrégée) des deux.
Présentation / Défaut
Si l'appelant ne se présentait pas le jour convenu, l'appel était déclaré " désert ". L'appelé recevait alors un " acte de congé de court ". L'appelant faisant défaut se voyait condamné à une amende de " fol appel " et aux frais du procès. En outre, la sentence a quo était confirmée.
Si l'appelé ou l'intimé ne se présentait pas le jour convenu, une nouvelle assignation était lancée et la procédure suivait son cours.
Instruction / Plaidoyers
Lorsque les parties se présentaient le jour convenu, les plaidoyers pouvaient commencer. En principe, les parties étaient représentées par leur procureur respectif. Ceux-ci déposaient à cet effet leur procuration au greffe. Les plaidoyers ou audiences étaient présidés par un ou deux conseiller(s)-maître(s) de requêtes.
Avant de débuter son audience, la Cour demandait à l'appelant une caution pour le cas où son appel serait déclaré irrecevable ou indu (et où l'appelant serait donc condamné à une amende pour " fol " ou " frivol " appel).
Ensuite, l'appelant devait présenter les lettres patentes (de relief) d'appel, la citation et l'exploit du huissier ainsi que la sentence a quo (ou une copie de celle-ci). Pour ce qui est de cette dernière, une copie du dictum (la version courte de la sentence) était souvent suffisante.
Puis, (l'avocat de) l'appelant exposait ses griefs, en concluant que la sentence a quo était fausse et abusive, et qu'il faisait donc appel à bon droit. Cet exposé était appelé le " ramenee à fait " (acte de griefs, acte de ramené à fait). Naturellement, la partie adverse soutenait le contraire, en concluant que l'appel était indu (acte de réponse). Les expéditions des actes de procédure (déposées dans le dossier) sont faciles à reconnaître. Généralement, elles étaient écrites sur un petit bout de parchemin. Elles contiennent non seulement le rapport de ces actes, mais aussi la décision relative à la suite de la procédure.
Parfois, les plaidoyers étaient réduits à ces deux éléments nécessaires : demande et réponse. Il arrivait néanmoins qu'ils se prolongent par une réplique de l'appelant, puis une réponse à cette réplique (appelée " duplique ") formulée par l'autre partie, une " triplique " (de l'appelant), une " quadruplique " (de la partie adverse), etc.
Après les plaidoyers et l'échange éventuel de pièces, le Grand Conseil statuait sur la réception du procès en tant que " procès par écrit " (appointement dispositif dans un acte dispositif). Lors de ce jugement interlocutoire, les parties pouvaient encore ajouter un bref mémoire au dossier (14).
Par l'acte de conclusion en cause, les parties déclaraient ensuite que le litige était tranché.
Si le procès était reçu comme " procès par écrit ", les dossiers de la cour inférieure devaient être transférés à Malines. Pour ce faire, l'appelant avait deux semaines, un mois ou six semaines, en fonction de la distance qu'il fallait parcourir. Cette période commençait le premier jour du procès.
" Furnissement "
La procédure sur le rôle terminée, les pièces devaient être remises au greffier. Pour ce faire, elles étaient placées dans des sacs de jute ou des sacs en lin. Le procureur faisait un inventaire de toutes les pièces présentes et le signait. Lorsque les pièces versées dans le sac ne correspondaient pas intégralement à l'inventaire du dossier, le greffier ne pouvait pas l'accepter. Si, par contre, tout était en règle, il cousait une étiquette en parchemin sur le sac, sur laquelle il notait les noms des parties et de leurs procureurs.
Jugement (15)
La procédure en appel (lors d'un " procès par écrit ") ne prévoyait pas d'enquête ou d'investigation. En effet, de tels actes avaient eu lieu, en principe, pendant le procès en première instance. Ainsi la " visite " du procès pouvait commencer immédiatement après les plaidoyers. Le président du Grand Conseil désignait à cet effet un conseiller-rapporteur qui se voyait chargé de la préparation de la délibération. Il étudiait l'affaire (et le dossier) à fond, faisait un résumé des pièces remises en relevant les principaux arguments des deux parties, et rédigeait une proposition de sentence.
La chambre du conseil délibérait en assemblée plénière sur la sentence.
Après la conclusion du procès, le conseiller-rapporteur établissait le " dictum " - une version abrégée de la sentence. Ensuite, ce dictum était remis au greffier. Sur la base de ce document et des pièces du dossier, ce dernier rédigeait alors - seulement si les parties le souhaitaient (16) - une sentence étendue (sur parchemin) (17). Les sentences étendues contenaient la dénomination précise des parties, la reconstitution de toute la procédure (les instances inférieures comprises), l'énonciation des principaux arguments (de part et d'autre) et la sentence. Par contre, elles ne contenaient jamais de motivation. En effet, le Grand Conseil de Malines conservait à sa discrétion les réflexions ayant conduit à son jugement.
La sentence réglait également la question des frais du procès. Si l'appel était déclaré indu ou s'il était rejeté, l'appelant se voyait condamné au paiement non seulement des frais du procès mais aussi d'une amende pour " fol appel ".
Il va de soi que toutes les sentences étaient prononcées au nom du souverain.
Révision ou " proposition d'erreur " était une technique à laquelle les parties pouvaient avoir recours, sous certaines conditions, pour contester un jugement du Grand Conseil lui-même.
La requête visant à entamer la procédure de révision devait être introduite par la partie perdante, endéans les deux ans suivant la sentence. Cette requête était toujours adressée au souverain, et pouvait être introduite aussi bien auprès du Grand Conseil qu'auprès du Conseil privé. Elle devait toujours mentionner les " erreurs proposées ".
Ensuite, l'impétrant recevait des lettres patentes avec lesquelles il pouvait citer la partie adverse. Cette citation devait se faire également endéans les deux ans suivant la sentence.
Le jour convenu, l'impétrant devait payer une caution, au cas où la révision serait jugée indue. Ensuite commençaient les débats contradictoires.
Les plaidoyers finis et les débats clos, les deux parties étaient invitées à remettre un bref mémoire (comme cela se faisait dans la procédure en appel).
Puis, le collège devant rendre un jugement était élargi. Des juristes d'autres cours ou institutions étaient en effet ajoutés aux conseillers du Grand Conseil. Le choix de ces juristes était laissé à la discrétion du souverain, aussi bien que leur nombre (12 à 14). Lorsque ce collège élargi estimait nécessaire de faire des enquêtes complémentaires (avant de rendre son jugement), il pouvait les demander.
Ensuite, au moins une des deux parties demandait " que droit soit prononcé ". Ce faisant, le collège élargi pouvait confirmer la sentence initiale, la corriger ou la renverser.
Au cours de leur phase dynamique, les archives du Grand Conseil étaient conservées en majeure partie au greffe. Le grenier du palais était également utilisé pour la sauvegarde des archives. En outre, des pièces faisant partie d'affaires pendantes ou même d'affaires conclues se trouvaient régulièrement au domicile de conseillers, greffiers, procureurs et avocats.
Les vicissitudes de l'institution ont toujours eu des conséquences pour ses archives. Ainsi les archives ont du être mises en sécurité lors du pillage de la ville par les troupes du duc d'Albe, en 1572. Et en 1746, lorsque Malines fut prise par les Français, Louis XV décida de transférer une partie considérable des archives du Conseil au Parlement de Flandre. La plupart de ces papiers retournèrent toutefois à Malines dès la fin de la Guerre de Succession d'Autriche (1749). En 1769-70, à l'occasion du Traité des Limites, une autre partie des archives fut restituée.
Lorsque les Pays-Bas autrichiens furent annexés à la France (1794), le président et quelques conseillers décidèrent de s'exiler en Allemagne et d'y continuer leurs activités. Le Traité de Campoformio ayant supprimé définitivement le Grand Conseil (17 octobre 1797), ils décidèrent d'envoyer à Vienne les archives qu'ils avaient sous la main. En 1803 et 1809, ces documents furent transférés à Paris. Quelques années plus tard, ils purent toutefois regagner Bruxelles (Traités de Paris, 1814 et 1815). Ils furent d'abord placées à l'Hôtel de la Chambre des Comptes (1815-1820). Ensuite, ils furent hébergées au Palais de Justice, devenu siège des archives de l'Etat (1822-1823).
En 1794, une partie substantielle des archives du Grand Conseil était restée à Malines. En 1827, cette partie-là fut transportée, par bateau, à Bruxelles et placée au greffe de la Cour supérieure de justice. Cinq ans plus tard, le gouvernement décréta que " toute la partie des archives des anciennes cours supérieures de justice qui ne concernait pas des procédures en matière d'intérêt privé, serait réunie aux archives de l'Etat ". Néanmoins, cette décision resta lettre morte. Ce ne fut qu'en 1858, lorsque le gouvernement statua que les archives de toutes les cours de justice de l'Ancien Régime devaient être déposées aux Archives de l'Etat, que cette partie des archives du Grand Conseil arriva aux Archives de l'Etat. Le 20 mai 1859, les deux parties du fonds furent enfin réunies.
Lorsqu'en 1859, les " innombrables " dossiers de procès arrivèrent sens dessus dessous aux Archives de l'Etat, les archivistes ne disposaient ni d'un inventaire ni même d'une liste. Henri-Felix D'Hoop fut chargé du classement des sacs et portefeuilles en question. En un temps record, il parvint à constituer une série de " procès en première instance ", et à classer les dossiers d'appel selon la province dont ils provenaient (1863).
Les 500 articles de cette série ont trait à la période 1577-1755.
Au niveau des parties représentées dans les dossiers de cette série, il s'agit essentiellement de particuliers et de seigneurs locaux (ou de dames locales). Quelques présidents, conseillers et avocats du Conseil de Namur, ainsi que des officiers locaux ou régionaux s'y retrouvent également. Des villes et des villages y font aussi leur apparition, ainsi que les États de Namur. Signalons parmi la noblesse présente dans les dossiers de cette série (écuyers, chevaliers, barons, comtes, comtesses, ...) quelques chevaliers de la Toison d'Or (Charles d'Egmont, Claude Philippe Eugene de Merode, le prince de Robecq et Claude Lamoral de Ligne). Il est par contre étonnant de ne rencontrer que quelques ecclésiastiques parmi les parties.
Le procureur-général de Namur n'est que rarement impliqué dans les procès repris dans cette série.
La grande majorité des parties est originaire du comté de Namur. Quelques unes sont toutefois liègeoises ou luxembourgeoises. Pour ces dernières il est à remarquer qu'il s'agit soit d'évocations de procès commencés devant le Conseil de Luxembourg, soit de procès menés en première instance devant le Conseil de Luxembourg mais jugés en appel devant le Conseil de Namur suite à une déclaration de Maximilien Emmanuel de Bavière (à l'époque de la Guerre de Succession d'Espagne).
L'immense majorité des dossiers touchent à l'argent et au pouvoir. En ce qui concerne l'argent, nous distinguons d'abord des procès relatifs aux revenus qu'une partie revendiquait. Les rentes constituent l'objet qui revient le plus souvent dans cette catégorie (et même en général). Des procès concernant des héritages et des donations sont aussi très nombreux. La possession ou la jouissance de biens et, inversement, les dépenses qu'une partie refusait de faire (ou qu'au moins quelqu'un réclamait à celle-ci), donnent également lieu à de nombreux procès. Le paiement de salaires, honoraires, livraisons, loyers, réparations et autres dettes pose en effet souvent problème. Pour ce qui est du pouvoir, il s'agit essentiellement de conflits de compétence ou de juridiction et d'abus de pouvoir (droit de chasse, droit de pâturage, servitude, coupe de bois ...).
Langues et écriture des documents
La langue véhiculaire du Grand Conseil de Malines était le français. Les documents produits par le Conseil - les documents " internes " faisant partie des archives de la Cour stricto sensu - furent donc systématiquement rédigés en français. Cette observation vaut également pour toutes les apostilles posées sur les différentes pièces des dossiers de procès.
Depuis 1477 (le Grand Privilège), la langue utilisée lors d'un procès était celle des parties : français, néerlandais ou allemand. Lorsque celles-ci ne parlaient pas la même langue, c'est celle du défendeur (rescribent ou intimé) qui était choisie.
Les dossiers de cette série-ci contiennent quasi exclusivement des documents rédigés en français.
Pour l'époque contemporaine, aucune sélection ou destruction n'est connue.
Par contre, les sacs de procès ont systématiquement été enlevés (après 1859). Beaucoup d'étiquettes (" évangiles ") ont disparu pendant cette opération. D'autres ont été détachées des sacs et mises dans les portefeuilles contenant les pièces du procès correspondant.
Les dossiers de cette série sont classés de manière chronologique.
Les dossiers n'ont pas été répartis selon la procédure utilisée (18). Les procès en première instance alternent donc de manière purement chronologique avec les différents ainsi qu'avec les procès en appel. La mention de la qualité juridique des parties (demandeur/défendeur, suppliant/rescribent, appelant/intimé) indique toujours de quelle procèdure il s'agit.
Les descriptions suivent toutes le même schéma (utilisé également par d'autres collègues en charge de l'ouverture à la recherche de séries comparables) (19) :
[Cote d'inventaire] [Partie 1] contre [Partie 2]
[Objet du litige]
[dates] [Forme matérielle]
[Instance(s) précédente(s)]
[remarques]
L'identification des parties se base en principe sur l'inventaire des pièces déposées au greffe du Grand Conseil lors du " furnissement " du dossier, et sur l'étiquette que le greffier cousait ensuite sur le sac de procès. En deuxième lieu - et certainement quand les deux documents mentionnés sont absents - l'identification se fait sur base des " actes de la Cour ", qui documentent le déroulement du procès. Nous avons donné la préférence aux actes du Grand Conseil (plutôt qu'aux documents produits par les parties et leurs avocats) pour faciliter au maximum l'identification des parties dans les archives stricto sensu de cette cour. Lorsque les documents de procédure d'un procès en appel devant le Grand Conseil manquent, l'appellation des parties est empruntée aux actes de l'instance précédente.
L'identification des individus est souvent restreinte à leur nom et prénom. Lorsque l'orthographe des noms était trop éloignée entre différentes versions, nous avons ajouté (entre parenthèses) d'autres formes de noms dans nos descriptions. Si d'application, le titre nobiliaire suit le nom des personnes. Dans la mesure du possible, la fonction ou le métier des individus est également repris, ainsi que le lien qu'ils ont avec d'autres personnes impliquées dans le procès (p. ex. père de, veuve de).
Pour des parties consistant en plusieurs individus, l'identification de la (des) personne(s) principale(s) est suivie de l'abréviation " c.s. " (cum suis).
Bien entendu, l'identification des parties se complète toujours par la mention de leur qualité juridique (demandeur/défendeur, suppliant/rescribent, appelant/intimé). Lorsqu'un dossier en appel ne contient pas de documents " malinois ", les parties sont mentionnées avec la qualité juridique qu'elles avaient devant l'instance précédente (" demandeur/défendeur devant le Conseil de Namur " ; " suppliant/rescribent devant le Conseil de Namur ").
Les noms de lieux ont été actualisés.
L'objet du litige est indiqué de manière sommaire. Souvent il ne s'agit que d'une indication. Dans l'absence d'une sentence (étendue) et sur la base de dossiers souvent lacunaires, il n'est en effet pas évident de définir ou de préciser systématiquement l'objet d'un litige. La définition de celui-ci est basée, la plupart du temps, sur l'avertissement, la requête de " venue en cour " ou les lettres patentes de " relief d'appel ". Lorsqu'il n'était pas possible de déterminer l'objet du litige, la mention " inconnu " est reprise dans la description.
Les dates mentionnées dans la description n'ont trait qu'aux pièces présentes dans le dossier. Elles sont obligatoirement indicatives pour la datation des procès proprement dits. Lorsqu'un dossier ne contient ni de requête de " venue en cour ", ni de lettres patentes de " relief d'appel " (dans le cas d'un appel), ni " d'évangile ", il est en effet impossible de déterminer de manière précise et certaine le début du procès (en appel). Puisque la sentence ne faisait jamais partie des dossiers, il est tout aussi impossible de déterminer avec précision la fin d'un procès.
Ajoutons que pour les dossiers en appel ne contenant aucun document " malinois " (relatif donc au déroulement du procès devant le Grand Conseil), la date de l'arrêt (ou celle du dernier acte) de l'instance précédente est retenue, précédée de la mention " après ", ce qui signifie que le procès en appel s'est forcément déroulé après cette date.
Le classement chronologique est basé sur l'année de l'introduction des procédures devant le Grand Conseil ou - dans le cas des dossiers sans documents " malinois " - sur le dernier acte de l'instance précédente.
La forme matérielle du dossier est décrite selon la terminologie archivistique en usage aux Archives de l'Etat en Belgique. Concrètement, trois formes sont possibles : 1° de une à trois pièces, 2° une chemise (ayant une épaisseur maximale de 2 cm) et 3° un (ou plusieurs) paquet(s) (ayant une épaisseur entre 2 et 11 cm).
La présence de documents spéciaux (dessins, correspondance, sentence étendue du Conseil de Namur) est systématiquement signalée.
Parlons encore des "instances précédentes" dans le cas des procès en appel. Pour l'immense majorité, cette instance était le Conseil de Namur. Cette information n'est donc pas répétée dans les descriptions concernées. Lorsque d'autres instances précèdent le Conseil de Namur - et lorsqu'on parle donc d'un " double " ou d'un " triple " appel - toutes ces instances sont mentionnées. Elles le sont dans l'ordre chronologique inverse pour maintenir la continuité logique de la description, et pour refléter le plus fidèlement possible le classement des pièces dans le dossier (Grand Conseil - Conseil de Namur - Instance(s) précédente(s)).
Il arrive que des explications supplémentaires soient nécessaires pour la bonne compréhension d'un dossier ou d'une partie de la description. Dans ce cas, ces explications sont apportées en remarque.
Les archives du Grand Conseil des Pays-Bas à Malines sont publiques. La consultation et la reproduction sont libres.
Pour la reproduction des documents, les conditions et tarifs en usage aux Archives de l'Etat en Belgique sont d'application.
Les dossiers de procès de cette série constituent des entités à part entière. Ils sont donc indépendants les uns des autres, même si le chercheur a toute liberté pour étudier des dossiers thématiquement reliés.
D'emblée, nous devons signaler que nombre de dossiers sont incomplets. D'une part, des pièces ou des parties entières de dossiers ont pu se perdre au fil du temps. D'autre part, des parties ont pu lever (certaines de) leurs pièces après la conclusion de l'affaire. Il s'ensuit en tout cas que la valeur documentaire des dossiers en question n'est pas égale.
Répétons aussi que la sentence ne fait jamais partie du dossier de procès. Elle est à chercher dans les archives stricto sensu de la Cour, à condition évidemment que le procès ait été conclu.
Dans le présent inventaire tous les dossiers ont été classés de la même façon. Lorsque les documents des deux parties sont présents, le dossier du requérant (respectivement " demandeur ", " suppliant " et " appelant ") précède toujours celui de son adversaire (respectivement " défendeur ", " rescribent " et " intimé "). Pour les procès en appel, ceci se fait par instance. Les instances mêmes sont classées dans l'ordre chronologique inverse (Grand Conseil de Malines - Conseil de Namur - Instance(s) précédente(s)).
Dans la mesure du possible, l'ordre des documents à l'intérieur des dossiers a été reconstitué. Quand l'étiquette (que le greffier cousait sur le sac de chaque partie lors du " furnissement ") est conservée, le chercheur la trouvera en premier lieu. Elle contient toujours le nom des parties et très souvent celui de leurs procureurs. Idéalement, le chercheur trouvera ensuite l'inventaire du dossier. Celui-ci mentionne également les deux parties avec leur qualité juridique. En outre, il contient une description sommaire de toutes les pièces " furnies " (ou présentes dans le sac lors du " furnissement "). Ces descriptions sont suivies de lettres (A, B, C2, D6...), reprises également au dos des pièces concernées. Des dossiers volumineux contiennent souvent plusieurs inventaires. L'intérêt de ces inventaires est multiple. Dans des cas simples, ils donnent la certitude qu'un dossier est complet. De manière analogue, ils permettent d'attester l'absence de certains documents. Cependant, ils révèlent surtout les liens entre les différentes pièces et leur importance relative dans le déroulement d'une affaire. Après l'inventaire, le chercheur trouvera les pièces (conservées) du dossier. En principe, elles se suivent dans l'ordre alphabétique. Les pièces ayant été mises en liasse par le greffier (lors du " furnissement ") forment la seule exception à cette règle. Celles-ci sont en effet classées dans l'ordre alphabétique inverse. Dans ce cas, il faut évidemment lire le dossier de la " dernière " pièce à la " première ". Habituellement, les dossiers sont constitués de documents produits par les parties et de pièces produites par la Cour. Les parties remettaient par exemple leur procuration, la requête de " venue en cour ", d'autres requêtes, la copie de la sentence a quo (dans le cas d'un procès en appel), les notes de plaidoirie (réplique, duplique, triplique, mémoires, avertissements, reproches, salvations) et des pièces à conviction. Tandis que le Grand Conseil produisait les lettres patentes " de relief d'appel " (dans le cas d'un procès en appel), les exploits des huissiers, les " verbaux " (reflétant, dans l'ordre chronologique, les actions juridiques des procureurs), les différents " actes de la cour " (documentant le déroulement du procès) et éventuellement des enquêtes. Tout ce qui concerne l'évolution d'un procès après le " furnissement " est à chercher dans les archives stricto sensu de la Cour.
Une bibliographie à jour relative au Grand Conseil est reprise dans : LEYDER D., Les archives du Grand Conseil des Pays-Bas à Malines (vers 1445-1797). Guide, Bruxelles, 2010.
Dans les années '20 du siècle passé, les frères Joseph et Fernand (Placide) Lefèvre se sont occupés intensivement d'une partie des "Appels de Namur". Ils ont notamment trié et classé 63 mètres linéaires de dossiers (sur un total d'environ 100 m.l.), et pourvu ces dossiers de fiches de travail sommaires, contenant les noms des parties ainsi qu'une date (26). Ces fiches ont été revues, corrigées et surtout complétées de nombreuses données par nos soins.
Signalons encore que nous avons pu bénéficier de l'aide bénévole de monsieur Xavier Duquenne pour explorer le contenu des 40 mètres linéaires restants des "Appels de Namur". Ce travail ardu nous a permis, et nous permettra encore, de rassembler des parties et des pièces de dossiers égarées, et de présenter donc des dossiers plus complets aux chercheurs.
Les descriptions de cet inventaire ont été réalisées par Dirk Leyder (janvier-juin 2013). L'introduction a été rédigée en septembre-octobre 2013.