Inventaire des archives de l'Auditorat militaire près le Conseil de guerre de Nivelles. Dossiers classés sans suite et de non-lieu (1931-1980). Versement 1991

Archive

Name: Auditorat militaire près le Conseil de guerre de Nivelles (dossiers sans suite et non-lieu). Versement 1991

Period:

Inventoried scope: 35,2 linear meters

Archive repository: State archives in Louvain-la-Neuve

Heading : Military tribunals and prosecution offices (Chief Military Prosecution Service and Military Prosecutors)

Inventory

Authors: Plisnier, Flore

Year of publication: 2010

Code of the inventory: G001

Producteur d'archives

Nom

Auditorat militaire près le Conseil de guerre de Nivelles (1945-1947) (1).

Prédécesseur:
Auditorat militaire près le Conseil de guerre de Bruxelles, section de Nivelles (1944-1945).

Successeur:
Auditorat militaire près le Conseil de guerre de Bruxelle (1947-2003).

Histoire institutionelle

Juridiction pénale chargée principalement du jugement des militaires ou des personnes qui leurs sont assimilées, elle fonctionne sur notre territoire depuis l'annexion à la France (2). Jusque très récemment, la juridiction militaire exerçait ses compétences tant en temps de paix qu'en temps de guerre. Cependant, au 1er janvier 2004, suite à " l'Affaire Pirson " (3) et à la polémique qu'elle a suscitée, le législateur a décidé de supprimer les juridictions militaires en temps de paix et d'abolir par la même occasion le Code de procédure pénale militaire. Le Code pénal militaire est cependant maintenu car les infractions militaires (désertion, insubordination, etc.) n'ont pas pour autant disparu (4).
Les annexions successives du territoire belge ont laissé leur empreinte dans l'organisation des juridictions militaires. Après l'instauration de conseils de guerre lors du rattachement du territoire à la France, les lois et règlements déterminant les compétences et le fonctionnement de la juridiction militaire hollandaise sont étendues à la Belgique par plusieurs arrêtés datant de 1814 et 1815. Les deux codes pénaux militaires néerlandais, ainsi que les deux codes de procédure pénale militaire hollandais, continueront à régir l'organisation des tribunaux militaires en Belgique jusque 1870. Cette année-là, un nouveau Code pénal militaire est adopté par les chambres (5). Il fixe la compétence ratione materiae (voir point 3 ci-dessous) des tribunaux militaires, c'est-à-dire les infractions jugées par ces juridictions. Moins de trente ans plus tard, en 1899, une autre réforme voit le jour (6). Celle-ci concerne le Code de procédure pénale militaire. Cependant, cette réforme n'est que partielle et engendre une situation juridique confuse. En effet, elle couvre uniquement l'organisation générale de la juridiction militaire, ainsi que sa compétence, et ne traite pas des procédures à suivre en matière d'instruction, de renvois, de pourvois en cassation, d'exécution des jugements, etc. Dans la pratique, les auditeurs militaires et les conseils de guerre introduiront progressivement dans la procédure pénale militaire le Code d'instruction criminelle et les lois qui complètent celui-ci. Ce rapprochement entre procédure pénale ordinaire et procédure militaire est officiellement consacré depuis 1920 par la prise d'une série de lois et d'arrêtés. Quant au Code pénal militaire de 1870 et au Code de procédure de 1899, ils sont modifiés à plusieurs reprises. Les compétences des juridictions militaires sont élargies, la définition de certaines infractions est précisée, les peines modifiées, etc. Cependant, les réformes successives ne toucheront pas le fondement du système mis en place en 1899.
Les conseils de guerre sont de deux types: les conseils de guerre permanents (ou conseils de guerre en métropole) et les conseils de guerre en campagne, c'est-à-dire les conseils de guerre institués auprès d'une faction armée en opération ou dans une ville ou une place en état de siège. Le Conseil de guerre de Nivelles correspond au premier type de conseil de guerre.
Le ressort des conseils de guerre permanents est fixé depuis 1815 par le législateur. Initialement, ce ressort correspond aux provinces. Il y avait huit conseils de guerre: Anvers, Limbourg, Flandre orientale, Flandre occidentale, Brabant, Liège et, exception, Namur qui inclut également le ressort du Luxembourg. Par la suite, le nombre de conseils de guerre permanents diminue: le Limbourg dépend du ressort du Conseil de guerre d'Anvers, le Conseil de guerre du Hainaut est rattaché à celui du Brabant, le Conseil de guerre de Namur à celui de Liège et les conseils de guerre des deux Flandres ne forment plus qu'un. Cependant, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, face au nombre de dossiers d'incivisme à traiter par les juridictions militaires, des conseils de guerre supplémentaires sont créés, chacun compétent pour une région déterminée. L'arrêté-loi du 18 septembre 1944 crée les conseils de guerre et les auditorats militaires d'Arlon, Bruges, Charleroi, Hasselt, Malines, Mons, Namur, Turnhout et Verviers (7). Malgré ces treize auditorats qui commencent à fonctionner dès la mi-octobre 1944, l'ampleur du travail à accomplir reste considérable en raison de l'afflux de plaintes et du très grand nombre de personnes internées par mesure administrative. Le législateur décide alors de créer de nouvelles sections au sein des auditorats militaires et de nouvelles chambres au sein des conseils de guerre permanents existants. Les nouvelles entités s'implantent à Louvain, Nivelles, Courtrai, Ypres, Tournai et Tongres. Ces juridictions temporaires sont transformées en conseils de guerre permanents en mai 1945. D'autres sections sont encore créées au cours de l'année 1945 à Eupen et à Malmedy et seront transformées en auditorats militaires en février 1946. En outre, des sections d'auditorat militaire dépendantes des auditorats militaires de Bruges, Namur et Arlon fonctionnèrent à Furnes, Dinant, Marche, Bouillon et Bastogne. De même que des chambres du Conseil de guerre de Gand siégèrent à Audenarde, du Conseil de guerre de Bruges à Furnes et du Conseil de guerre de Namur à Dinant. Au total, ce sont donc vingt-et-un auditorats militaires permanents qui fonctionnèrent à partir du 15 février 1946.
Ces nouvelles juridictions seront progressivement dissoutes entre 1947 et 1950: 13 auditorats et conseils de guerre sont ainsi supprimés entre les mois de mai et juillet 1947. Après 1950, seuls trois conseils de guerre permanents subsisteront: Liège (avec pour ressort territorial Liège, Namur et Luxembourg), Bruxelles (pour Anvers, le Brabant, le Hainaut et le Limbourg) et Gand pour les deux Flandres. Au premier janvier 1955, il ne subsistera qu'un seul Conseil de guerre permanent situé à Bruxelles et ayant l'entièreté du pays pour ressort.
L'existence du Conseil de guerre de Nivelles et de l'auditorat militaire qui y était rattaché fut assez brève. Un arrêté du Régent en date du 23 octobre 1944 fixe temporairement à Nivelles le siège d'une chambre du Conseil de guerre de Bruxelles (8). Quelques mois plus tard, le législateur décide de remplacer la chambre temporaire par un conseil de guerre permanent, et ce " jusqu'à une date qui sera fixée par arrêté royal et au plus tard jusqu'à la remise de l'armée sur pied de paix " (9). En juillet 1947, les tâches dévolues au Conseil de guerre de Nivelles touchant à leur fin, les chambres législatives décident de le supprimer. C'est chose faite par la loi du 31 juillet 1947 (10). L'opposition aux jugements par défaut rendus par le Conseil de guerre de Nivelles est alors portée devant le Conseil de guerre de Bruxelles.

Compétences

La compétence générale des tribunaux militaires, définie dans le Code pénal militaire et le Code de procédure pénale militaire, n'a que peu varié au fil des décennies. Ces juridictions, qui fonctionnent à côté des tribunaux pénaux ordinaires, disposent de compétences englobant trois champs d'application: la compétence ratione materiae, c'est-à-dire déterminée par rapport à la nature de l'infraction, la compétence ratione personae relative aux personnes justiciables et la compétence ratione loci, ou compétence territoriale.

La compétence ratione loci

Lorsque l'on aborde la compétence territoriale des juridictions militaires, il faut distinguer celle des conseils de guerre permanents et celle des conseils de guerre en campagne. Les compétences territoriales des conseils de guerre en campagne seront évoquées brièvement étant donné que le Conseil de guerre de Nivelles est un conseil de guerre permanent. La compétence ratione loci est soumise à un principe de droit international communément admis dénommé la " loi du drapeau ". Ce principe signifie qu'un État conserve son pouvoir juridictionnel sur les membres de son armée même lorsque ces derniers se trouvent en dehors du territoire national. L'extraterritorialité des compétences des conseils de guerre en campagne s'exerce lors de deux types d'occupation: l'occupation en temps de guerre et l'occupation en temps de paix. Lors du premier type d'occupation, la puissance occupante se substitue à l'exercice de la souveraineté de la puissance occupée. Dès lors, le pouvoir de fait conféré à la puissance occupante l'autorise à instituer des juridictions militaires dans les zones occupées. Ces dernières exercent alors leurs compétences sur le personnel militaire et civil de l'armée d'occupation, mais aussi, dans une certaine mesure, sur la population civile autochtone. Quant à l'occupation en temps de paix du territoire d'un État par une puissance étrangère, il s'agit d'un phénomène qui s'est amplifié en Europe après la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre de la coopération militaire entre les pays membres de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN).
La compétence territoriale des conseils de guerre permanents est fixée par le législateur. Le Conseil de guerre de Nivelles exerçait ses compétences dans l'arrondissement judiciaire du même nom.

La compétence ratione personae

Schématiquement, la compétence ratione personae des tribunaux militaires peut être définie comme une compétence s'appliquant à une catégorie particulière de citoyens: les militaires et à tous ceux qui leur sont assimilés. Cette affirmation doit bien évidemment être nuancée et précisée.
Pour déterminer les catégories de personnes soumises aux juridictions militaires, trois règles sont d'application. Premièrement, les personnes appartenant aux forces armées sont soumises aux lois pénales militaires et sont toujours justiciables de ces juridictions, et ce quelle que soit l'infraction commise, sauf exception prévue par la loi (11). Inversement, les personnes n'appartenant pas aux forces armées ne sont ni soumises aux lois pénales militaires, ni justiciables de ces juridictions, sauf dans les cas expressément prévus par la loi. Enfin, la qualité du prévenu est déterminée au moment de l'infraction. Dès lors, en cas de pluralité d'infractions ou d'infractions connexes commises à des moments différents, les tribunaux militaires ne sont compétents que pour les infractions commises lorsque le prévenu avait la qualité de militaire. Cette qualité de militaire ou d'assimilé ne dépend pas de l'état d'activité ou de non-activité de la personne, mais cesse lorsque le service prend fin par démission, dégradation prononcée par jugement d'un tribunal, révocation ou pension. La qualité de militaire recoupe donc les militaires de carrière (officiers et sous-officiers, volontaires et gendarmes jusqu'à la démilitarisation de la gendarmerie en 1992), les membres de la garde civique, les miliciens et leurs remplaçants, ainsi que les personnes attachées à l'armée et assimilées aux militaires. Cette dernière catégorie regroupe les personnes comprises dans le corps d'armée telles que les pharmaciens, intendants, etc.; le personnel civil employé dans un établissement ou un service de l'armée; les personnes attachées à l'armée et autorisées à suivre l'armée telles les aumôniers, les familles des militaires belges stationnés en Allemagne (depuis 1946) et certains mineurs d'âge comme les élèves des écoles militaires.
En temps de guerre cependant, la compétence des juridictions militaires est élargie à certaines catégories de personnes. Le temps de guerre, tel que défini par l'article 58 du Code de procédure pénale militaire, est la période de temps qui commence le jour fixé par l'arrêté royal de mobilisation de l'armée et qui prend fin au jour fixé par arrêté royal de la remise de l'armée sur pied de paix. Pour la Seconde Guerre mondiale, cette période débute suite à la publication de l'arrêté royal du 28 août 1939 pour s'achever au 15 juin 1949 (12). Sont dès lors soumis à la juridiction militaire tous les auteurs d'infractions contre la sûreté de l'État (voir compétence ratione materiae), les prisonniers de guerre (pour tous les délits nuisibles au corps qui les garde), les réfugiés tant civils que militaires pour des infractions relevant de l'atteinte à la sûreté de l'État et à l'ordre de l'armée, les personnes se trouvant dans une place ou auprès de troupes assiégées (pour autant que les juridictions ordinaires aient cessé de fonctionner ou qu'il n'en existe dans cette place), les personnes réquisitionnées légalement (en vertu de lois sur les réquisitions militaires et pour les infractions relatives à leurs obligations légales), et enfin les ressortissants d'un territoire étranger occupé dans le cadre de l'exécution d'un traité de paix ou d'une convention d'armistice (pour les infractions de nature à compromettre la sécurité des troupes).

La compétence ratione materiae

Cette compétence porte sur les infractions qui sont du ressort des juridictions militaires. Ces dernières sont compétentes pour juger toutes les infractions aux lois pénales ordinaires et militaires pourvu que leurs auteurs soient justiciables des tribunaux militaires. Comme évoqué dans le cadre de la compétence ratione personae, certaines infractions perpétrées par des militaires restent de la compétence des juridictions ordinaires, et inversement, des infractions commises par des civils peuvent être jugées par des juridictions militaires (surtout en temps de guerre).
Trois types d'infractions sont du ressort des juridictions militaires: les crimes et délits militaires, les infractions de droit commun commises par des militaires et certaines catégories de faits se rapportant à l'intégrité des installations militaires et à la sûreté de l'État.
Les crimes et les délits militaires sont définis par le Code pénal militaire et les lois pénales militaires. Ils ne doivent pas être confondus avec les crimes et délits de droit commun (vol, meurtre, etc.) commis par des militaires. Parmi les crimes et les délits militaires, citons la trahison, l'espionnage (que ce soit par un militaire ou un civil), la désertion, l'abandon de poste, l'insubordination, la révolte contre des supérieurs hiérarchiques, le détournement, le vol et la vente d'effets militaires, etc. En d'autres termes, des infractions affectant les principes fondateurs de l'organisation de l'armée et garantissant son bon fonctionnement et son efficacité, des infractions contrevenant à la discipline et à la subordination. À ces infractions purement militaires sont associées des peines spécifiques, dites militaires. Ces peines peuvent être ajoutées aux peines ordinaires lorsque le militaire s'est rendu coupable d'un délit de droit commun.
Les tribunaux militaires ont également pour attribution toutes les infractions, crimes, délits et contraventions repris dans le Code pénal ordinaire, pour autant que l'auteur des faits soit justiciable de ces tribunaux (compétence ratione personae). La qualification des infractions et le choix des peines se fait alors en fonction de ce qui est prévu par le Code pénal ordinaire. En outre, certaines infractions aux lois spéciales restent de la compétence des juridictions militaires, comme les infractions aux lois scolaires et les délits d'ivresse publique (13).
Enfin, les juridictions militaires ont également connaissance des infractions portant atteinte à la sécurité et à l'intégrité des installations militaires ainsi qu'à la sûreté de l'État. Cependant, une distinction doit être faite si ces infractions sont commises en temps de guerre ou en temps de paix. En effet, en temps de paix et en temps de guerre, trois catégories d'infractions sont systématiquement déférées aux juridictions militaires, que l'auteur soit un militaire ou un civil. Il s'agit de la destruction ou de la dégradation des dispositifs de défense établis par l'armée, du trafic de denrées provenant des magasins et des cantines de l'armée et des délits d'audience à l'audience d'un tribunal militaire.
Par contre, les tribunaux militaires deviennent les juges exclusifs pour certaines catégories d'infractions commises en temps de guerre uniquement (pour rappel en ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale, du 27 août 1939 au 15 juin 1949). Il s'agit de:

Crimes et délits contre la sûreté de l'État
La sûreté de l'État peut être attaquée soit de l'extérieur, soit de l'intérieur. Les crimes et délits contre la sûreté extérieure de l'État sont ceux qui, par l'aide qu'ils apportent aux ennemis de l'État, portent atteinte ou sont de nature à porter atteinte à l'ordre politique extérieur de la Belgique, à son indépendance, à l'intégrité de son territoire ou à ses relations avec les autres États (14). Les infractions contre la sûreté intérieure de l'État sont celles qui portent atteinte à l'organisation intérieure de la nation, à sa structure constitutionnelle, à ses liens avec les citoyens. Afin d'assurer la sécurité extérieure de l'État, le Code pénal de 1867 réprimait, en ses articles 113 à 123, l'aide militaire et économique à l'ennemi, la livraison et la captation de secrets intéressant la défense du territoire ou la sûreté de l'État, l'intelligence avec une puissance étrangère, etc. Les circonstances particulières de 1914 rendirent nécessaire d'augmenter le nombre d'incriminations en cette matière (15) et, deux ans plus tard, la peine de mort fut rétablie pour certaines infractions (16). Quant à l'arrêté-loi du 8 avril 1917, il érige en infraction la collaboration politique et intellectuelle avec l'ennemi et la dénonciation. Après la Première Guerre mondiale, l'expérience de la répression de la trahison et de l'espionnage fut mise à profit pour introduire de nouvelles modifications à la législation se rapportant aux infractions contre la sûreté extérieure de l'État. La loi du 19 juillet 1934 fut promulguée dans ce sens (17). Elle remanie la plupart des articles compris entre les articles 116 et 123 ter du Code pénal. Cette législation tend surtout à éliminer le dol spécial comme élément constitutif de certaines infractions car sa preuve par le Ministère public se trouve bien souvent difficile voire impossible à établir (18). D'autres législations apportèrent des précisions et des modifications aux articles se rapportant aux infractions contre la sûreté extérieure de l'État. Citons à titre d'exemples celle du 10 décembre 1937 qui renforce les pénalités prévues dans certains articles, l'arrêté-loi du 31 décembre 1939 et celui du 17 décembre 1942 qui modifient les articles relatifs à la collaboration politique et armée et à la dénonciation (19). Enfin, notons que depuis 1944, les principales modifications législatives en matière d'infractions contre la sûreté extérieure de l'État concernent les peines et les mesures accessoires, plus spécialement la déchéance de certains droits (20).
Quant aux infractions contre la sûreté intérieure de l'État, elles sont reprises dans les articles 124 à 135 du Code pénal de 1867. Parmi celles-ci on trouve l'incitation à la guerre civile, à la dévastation, au massacre et au pillage, la levée illégale de troupes, l'exercice illégal d'un commandement militaire, ou encore l'organisation de bandes séditieuses. Quatre dispositions y seront ajoutées par plusieurs lois prises en 1939, 1951 et 1961. Elles correspondent aux articles 135 bis à 135 quinquies du Code pénal.
En ce qui concerne la poursuite des délits, le Code de procédure pénale militaire de 1899 permettait déjà aux juridictions militaires de poursuivre, en temps de guerre, les espions, les receleurs de militaires étrangers et les embaucheurs. Cependant, les deux guerres mondiales apportent de nombreux compléments au Code de 1899. En effet, par l'arrêté-loi du 11 octobre 1916, les juridictions militaires deviennent temporairement compétentes en matière d'infractions contre la sûreté de l'État, tant intérieure qu'extérieure, telles qu'elles sont qualifiées dans les articles 101 à 136 et 322 à 326 du Code pénal. La juridiction militaire reste compétente en la matière jusqu'à la fin de l'état de guerre, c'est-à-dire jusqu'au 30 septembre 1919. À partir de cette date, on revint au système de 1899, avec cependant une nuance apportée par l'article 14 de la loi du 30 avril 1919 (en matière d'espionnage). Quinze ans plus tard, la loi du 19 juillet 1934 attribue à nouveau à la juridiction militaire le pouvoir de connaître en temps de guerre les infractions reprises dans les articles 113 à 123 du Code pénal. C'est donc sur base de ces dispositions que les juridictions militaires durent connaître toutes les infractions relatives à ce que l'on a appelé l'incivisme commises en Belgique durant la Deuxième Guerre mondiale. Par les arrêtés-loi des 26 et 27 mai 1944, la compétence des tribunaux militaires est étendue, d'une part aux infractions contre la sûreté intérieure de l'État (articles 101 à 112 et 124 à 136 du Code pénal, ainsi que défini dans plusieurs dispositions pénales particulières), et d'autre part, aux infractions relatives à la protection des armées belges et alliées (21). Les juridictions militaires cessèrent d'être compétentes pour toutes les matières énumérées par les deux arrêtés-lois cités précédemment douze mois après la libération totale du territoire, soit au 15 février 1946. En conséquence, les tribunaux militaires n'eurent plus connaissance des infractions de ce type à cette date, à moins qu'ils en aient été saisis avant cette date ou que les faits aient déjà fait l'objet d'une instruction. Quant aux infractions en matière de sûreté extérieure, les tribunaux militaires continuèrent à en être saisis jusqu'à la remise de l'armée sur pied de paix, soit le 15 juin 1949, avec cependant une exception pour les infractions commises avant le 9 mai 1945 pour lesquelles les juridictions militaires continuèrent à en avoir connaissance (22).
Les infractions contre la sûreté extérieure et intérieure de l'État mentionnées dans les articles 101 à 136 du Code pénal (23) et dans certaines dispositions pénales particulières sont reprises en annexe (voir point 7 ci-dessous). Citons néanmoins les principales d'entre-elles comme l'infraction à l'article 113 (avoir porté les armes contre la Belgique ou contre les alliés de la Belgique agissant contre l'ennemi commun, plus communément appelé collaboration armée); l'infraction à l'article 115 (secours à l'ennemi sous forme de soldats, hommes, argent, vivres, armes ou munitions, plus communément appelée collaboration économique), l'infraction à l'article 118 bis (plus communément appelé collaboration politique ou intellectuelle) et l'infraction à l'article 121 bis du Code pénal (la dénonciation).
Vols, destructions ou détériorations en des lieux évacués ou occultés
Cette compétence exclusive en temps de guerre a été octroyée aux juridictions militaires par l'article 2 de l'arrêté-loi du 13 mai 1940 (24). Cet article élargit la compétence des tribunaux militaires à la connaissance des vols, destructions ou détériorations de propriétés mobilières d'autrui lorsqu'ils sont commis, en temps de guerre, dans des lieux évacués par des habitants en raison d'événements de guerre, ou pendant l'occultation des lumières dans les endroits où celle-ci a été ordonnée par les autorités. Il en va de même pour les tentatives.
Infractions au détriment des armées alliées
L'arrêté-loi du 27 mai 1944 étend non seulement les compétences des tribunaux militaires aux crimes et délits contre la sûreté de l'État, mais également aux infractions relatives à la protection des armées belges et alliées (25). Cet arrêté-loi prévoit en effet en son article 1er que les auteurs, coauteurs et complices des infractions prévues dans les différentes législations relatives aux armées alliées seront jugés par les tribunaux militaires (26). Par les termes " protection des armées alliées ", il faut entendre les infractions de droit pénal commun perpétrées au préjudice de militaires appartenant aux armées alliées ou de personnes à la suite de ces armées opérant en Belgique, ou au préjudice d'un État allié dont les troupes opèrent sur le territoire belge. Cette extension de la compétence des juridictions militaires cessera avec l'entrée en vigueur de l'arrêté du Régent du 10 novembre 1945 (27).
Circulation dans les zones en état de siège
La notion d'état de siège se distingue de celle de temps de guerre. En vertu de l'arrêté-loi du 11 octobre 1916 relatif à l'état de siège et à l'état de guerre, l'état de siège doit être déclaré moyennant deux conditions: la déclaration ne peut se faire qu'en temps de guerre et de l'avis conforme du Conseil des ministres (28). L'arrêté royal doit, au surplus, désigner les régions auxquelles il s'applique. L'état de siège sera déclaré pour toute l'étendue du territoire belge par arrêté royal du 10 mai 1940 (29), pour être levé par l'arrêté du Régent du 12 décembre 1945 (30). La loi de 1916 prévoit en outre que les infractions aux règlements qui ont pour objet la circulation dans la zone déclarée en état de siège sont déférées aux juridictions militaires.
Infractions commises par des résistants
En vertu de l'article 7 de l'arrêté-loi du 19 septembre 1945 établissant le statut de la résistance armée (31), sont considérées comme des militaires en activité de service, les personnes reconnues pour avoir participé à la résistance. Durant la période comprise entre la date de leur affiliation à un groupement reconnu et celle de leur démobilisation, ces personnes sont donc assimilées aux militaires et soumises aux lois militaires.
Réquisitions
Les juridictions militaires sont compétentes pour les infractions commises par des militaires ou des civils en temps de guerre contre les lois sur les réquisitions militaires. Ces infractions doivent être relatives aux obligations légales des personnes réquisitionnées. La législation y afférant est la loi du 14 août 1887 (et ses arrêtés d'exécution) relative au logement des troupes en marche et en cantonnement et aux prestations militaires. Cette loi est remplacée par celle du 12 mai 1927 relative aux réquisitions militaires (32). Les personnes réquisitionnées en temps de guerre en application de la législation sur les réquisitions civiles ne tombent donc pas sous la compétence des juridictions militaires.
Crimes de guerre
La connaissance des crimes de guerre perpétrés entre le 9 mai 1940 et le 1er juin 1945 tombe sous la compétence des juridictions militaires, et ce en vertu de la loi du 20 juin 1947 (33). Cependant, dès le 18 septembre 1944, un arrêté-loi confie aux juridictions militaires le soin de juger les infractions aux articles 392 à 410 du Code pénal (homicides et lésions corporelles volontaires) lorsque celles-ci sont connexes à l'une des principales infractions contre la sûreté de l'État, ou lorsqu'elles sont commises par des personnes agissant pour le compte ou sous les instructions d'organisations ou de groupements faisant partie de l'armée ennemie, ou à la suite de celle-ci, ou jouissant de sa protection (34).
Infractions connexes aux infractions contre la sûreté de l'État et aux crimes de guerre
Il s'agit d'une inversion de la règle de connexité suivie pour définir la compétence de juridiction lorsqu'une infraction contre la sûreté de l'État, un crime de guerre ou une infraction à l'arrêté-loi du 13 mai 1940 (35) est connexe à une infraction normalement passible du tribunal ordinaire. Cette inversion de compétence est consacrée par l'arrêté-loi du 9 janvier 1945 (36). Cependant, elle ne s'appliqua qu'aux crimes et délits contre la sûreté de l'État commis jusqu'au 15 février 1946 et aux crimes de guerre perpétrés avant le 1er juin 1945.
Atteintes à la sécurité des troupes d'occupation commises par les ressortissants d'un territoire étranger occupé
Quatre catégories principales d'infractions sont visées: les infractions à caractère nettement militaire (espionnage, mutinerie, etc.), les attentats contre les personnes (meurtre, blessure, vol, etc.), les attaques contre le matériel des armées (vol, fraude, etc.) et toute destruction de moyens de communication et de défense. Cette compétence des juridictions militaires découle du droit d'occupation qui autorise la puissance occupante à faire juger par ses tribunaux militaires les citoyens du territoire occupé qui commettent des infractions de nature à mettre en danger la sécurité des troupes d'occupation. De plus, les infractions aux ordonnances prises par l'autorité d'occupation sont également du ressort des tribunaux militaires de son armée.
Épuration civique
L'épuration civique, en d'autres termes l'éviction de la vie publique des collaborateurs, est aux mains des auditeurs militaires et, en appel, des tribunaux civils (37). Par cette procédure, l'auditeur militaire décide si un collaborateur doit comparaître devant le conseil de guerre ou s'il lui est infligé, sans poursuites pénales, une sanction civile (38). La déchéance des droits civils et politiques est consacrée par l'arrêté-loi du 19 septembre 1945 relatif à l'épuration civique (39). Cependant, une distinction doit être établie entre les déchéances prononcées sur base de l'article 1er de cet arrêté-loi et celles prononcées sur base des articles 2 et 3. En effet, en vertu de l'article premier, sont déchus de plein droit et à perpétuité, du droit de remplir des fonctions, offices ou emplois publics, ainsi que du droit de vote et d'éligibilité, les titulaires de tout mandat effectif ou suppléant, fonction, office ou emploi public qui ont été révoqués, déchus, destitués ou démis d'office en raison de leur comportement à l'égard de l'ennemi durant l'occupation. Cette mesure s'applique entre autres aux fonctionnaires, magistrats, notaires, huissiers, avocats, médecins, pharmaciens et enseignants. Les déchéances prononcées par les auditeurs militaires en vertu de cet article premier ne feront l'objet d'aucune mesure d'inscription sur une liste(voir point de cette première partie de l'inventaire consacrée à l'organisation des juridictions militaires). Cependant, l'alinéa 3 de cet article permet aux auditeurs militaires de déchoir ces mêmes personnes des autres droits prévus à l'article 123 sexies du Code pénal (40).
L'autre type de déchéance est prévu par les articles 2 et 3 de l'arrêté-loi du 19 septembre 1945. Ces articles prescrivent de déchoir de leurs droits, à perpétuité ou pour une période de 20 ans, les personnes qui ont témoigné des sympathies pour l'occupant ou pour l'idéologie nazie, et collaboré activement avec l'ennemi durant la guerre. Parmi les faits répréhensibles se trouvent le fait d'avoir collaboré à la rédaction de publications à caractère politique soumises au contrôle de l'ennemi, d'avoir sollicité ou accepté des indemnités octroyées par l'ennemi, d'avoir fait de la propagande en faveur de l'ennemi, d'avoir adhéré à un parti, mouvement culturel ou organisme politique qui servait la politique ou les desseins de l'ennemi, d'avoir fait partie d'une administration, d'un service, d'une formation policière, militaire et paramilitaire ennemie, d'avoir autorisé (même tacitement) ses enfants de moins de 18 ans à adhérer à des organismes favorables à l'occupant, etc. Ces critères seront assouplis par la loi du 14 juin 1948 (41). Une fois déchues de leurs droits, ces personnes perdaient leur droit de vote et d'éligibilité, mais aussi tous les droits qui peuvent les concerner de l'une ou l'autre manière dans la vie publique. Il leur était interdit d'enseigner, de participer à la direction ou à l'administration d'une organisation, d'être membre d'un conseil de famille, d'être journaliste, etc. La perte des droits pouvait être prononcée à titre rétroactif et ne pouvait faire l'objet d'une mesure de grâce sous quelque forme que ce soit. La procédure suivie est détaillée dans le point 4 consacré à l'activité des conseils de guerre et auditorats militaires.

Les compétences propres de la Cour militaire

En vertu d'un privilège de juridiction, la Cour militaire juge directement en premier et dernier ressort certaines catégories de justiciables (compétence ratione personae). Il s'agit des officiers supérieurs et généraux (c'est-à-dire d'un rang supérieur à celui de capitaine et de premier lieutenant de vaisseau), y compris ceux qui sont poursuivis pour des crimes et délits contre la sûreté de l'État. Dès lors, dès qu'un officier atteint le rang d'officier supérieur ou de général, le Conseil de guerre cesse d'être compétent à son égard, même s'il a déjà commencé l'instruction. Dans le cas d'une affaire impliquant à la fois des officiers supérieurs et des militaires de rang moins élevé, la Cour militaire est compétente. Par contre, la connexité des faits commis par un officier supérieur et des civils entraîne le dessaisissement de la juridiction militaire au profit d'une juridiction ordinaire.
La Cour militaire est également l'instance d'appel à l'égard de jugements rendus par les conseils de guerre, tant en matière pénale qu'en matière de plainte disciplinaire. Cependant, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'article 6 de l'arrêté-loi du 27 mai 1944 suspend la faculté d'aller en appel contre les jugements des conseils de guerre visant les infractions portant atteinte à la protection des armées alliées opérant en Belgique, y compris les infractions au Code pénal ordinaire (42). Cet article est abrogé par un arrêté du Régent pris en novembre 1945
Le ressort territorial de la Cour militaire (compétence ratione loci) couvre tout le pays ainsi que le ressort des conseils de guerre en campagne.

Organisation

C'est principalement l'organisation des auditorats militaires au lendemain de la libération du territoire qui sera évoquée étant donné que l'auditorat militaire de Nivelles a fonctionné durant cette période.

Organisation générale

La juridiction militaire est composée de deux instances: d'une part, l'auditeur militaire et les conseils de guerre (au sein desquels il pouvait y avoir plusieurs chambres), d'autre part, l'auditorat général et la Cour militaire, en degré d'appel ou lorsque le prévenu est un officier supérieur.

L'auditeur militaire (et l'auditeur général), magistrat civil soumis à l'autorité du ministre de la Justice, est chargé dela poursuite et de l'instruction des causes. Il est nommé et révoqué par le Roi et, du point de vue de son statut, ses fonctions sont assimilées à celles des procureurs du Roi. Pour l'aider dans sa tâche, l'auditeur militaire dispose de substituts et d'un premier substitut (43). La subordination hiérarchique des auditeurs militaires à l'auditeur général est identique à celle des procureurs du Roi envers le procureur général près la cour d'appel.
L'auditeur militaire cumule les fonctions d'officier du Ministère public (à l'instar d'un procureur du Roi (ou du Procureur général)) et de magistrat instructeur. Contrairement à la juridictionpénale ordinaire, la juridiction militaire ne connaît ni juge d'instruction stricto sensu, ni chambre du conseil ou chambre des mises en accusation pour décider du renvoi d'un prévenu devant le tribunal. La fonction de juge d'instruction et celle de chambre du conseil sont incarnées par l'auditeur militaire et une commission judiciaire dont la composition varie en fonction du fait qu'elle est rattachée à un conseil de guerre permanent ou en campagne. En tant que représentant du Ministère public, l'auditeur recherche et poursuit les infractions commises par les personnes justiciables de la juridiction militaire dans le ressort de son auditorat. Il doit enquêter sur tous les faits dont il reçoit connaissance par dénonciation, plainte ou procès-verbal d'un agent de police judiciaire. Au terme de l'enquête préliminaire, l'auditeur militaire a le choix entre plusieurs options. S'il estime que les faits ne sont pas constitutifs d'une infraction ou si la poursuite devant le conseil de guerre paraît inopportune, il peut classer l'affaire sans suite. Il peut également proposer une transaction à l'auteur de l'infraction, le renvoyer à la discipline de corps si les faits ne sont pas des infractions au Code pénal mais enfreignent le code de discipline de l'armée. Enfin, si l'infraction est suffisamment établie, l'auteur cite directement le prévenu devant la juridiction de jugement, ou saisit la commission judiciaire et instruit l'affaire. Lorsqu'il décide de poursuivre les auteurs d'infraction devant les tribunaux militaires, l'auditeur adresse ses réquisitions au Conseil de guerre. Celles-ci consistent en un exposé des faits reprochés et indiquant la peine demandée par le Ministère public. Toujours en tant qu'officier du Ministère public, l'auditeur militaire veille à l'exécution des décisions de la juridiction militaire, contrôle le paiement des transactions et gère la détention préventive. Il exerce également une surveillance sur les procédures entamées par ses substituts, mais aussi sur le régime pénitentiaire ainsi que sur les actes du greffier, autres que les procès-verbaux d'audience et les minutes des jugements du conseil de guerre.
En tant que magistrat instructeur, l'auditeur militaire mène les devoirs d'instruction à charge et à décharge du prévenu. Pour ce faire, il peut auditionner les suspects ou les témoins, procéder à des perquisitions, effectuer des saisies, nommer des experts, etc.
Enfin, l'auditeur militaire dispose également de compétences administratives qui consistent en la surveillance de la tenue intérieure de l'auditorat (droit de regard sur le budget des menues dépenses des services de l'auditorat), en l'organisation des services de l'auditorat et du greffe du conseil de guerre (répartition du personnel entre les services, supervision de l'administration du conseil de guerre en dehors des audiences, etc.), en la transmission à l'auditeur général de rapports périodiques se rapportant à l'activité de son office ou sur les affaires importantes qu'il a eues à connaître, et en l'exercice d'une compétence disciplinaire vis-à-vis de ses substituts.

Quant à l'auditeur général, il a connaissance, en premier degré, de deux catégories d'affaires: celles impliquant un officier supérieur ou général, et celles à charge de militaires de grades moins élevés dont il est directement saisi ou qu'il décide de traiter lui-même à la place de l'auditeur militaire normalement compétent. À ce niveau, il agit donc comme un auditeur militaire, combinant les fonctions d'officier du Ministère public et de magistrat instructeur. En second degré, il interjette appel contre les jugements des conseils de guerre. L'auditeur général est aidé dans ses tâches par des premiers substituts et substituts (titres qui seront remplacés par celui de premier avocat général et d'avocat général en novembre 1944) (44).

Les juridictions de jugement sont les conseils de guerre (tribunaux militaires de première instance) et la Cour militaire. Toutes deux sont dominées dans leur composition par l'élément militaire. Pour rappel, les conseils de guerre sont de deux types: permanent ou en campagne. Nous nous bornerons ici à évoquer l'organisation des conseils de guerre permanents, puisque le Conseil de guerre de Nivelles est une juridiction de ce type.
Depuis 1899, le président du conseil de guerre, un officier supérieur, est assisté d'un juge civil, nommé pour trois ans par le Roi parmi les juges effectifs des tribunaux de première instance, et de trois militaires (deux capitaines et un lieutenant). Chaque membre militaire dispose d'un suppléant. Ils sont désignés pour une session d'un mois, à tour de rôle, parmi les officiers en activité de service dans le district militaire couvert par le conseil de guerre. Les militaires faisant partie des conseils de guerre sont désignés par tirage au sort parmi tous les officiers d'active et de réserve. La Cour militaire compte quant à elle, cinq membres, dont un président magistrat civil désigné pour une durée indéterminée et quatre officiers supérieurs ou généraux. Le président de la Cour militaire est donc le seul élément permanent des juridictions militaires de jugement. Il est nommé par le Roi et choisi parmi les conseillers des cours d'appel du pays, ayant rempli pendant dix ans au moins des fonctions judiciaires et connaissant les deux langues nationales.
Durant la période qui a suivi la libération, soit entre 1944 et 1952, l'organisation des conseils de guerre et de la Cour militaire est modifiée, mais uniquement dans le cadre de la répression des crimes et délits portant atteinte à la sûreté de l'État et des crimes de guerre. L'article 6 de l'arrêté-loi du 26 mai 1944 (45) augmente le nombre de magistrats civils au sein des tribunaux militaires. La composition des chambres est désormais la suivante: deux magistrats civils choisis parmi les magistrats d'un tribunal de première instance ou parmi les juges de paix et dont un remplit les fonctions de président, un officier supérieur, un capitaine et un lieutenant pour les conseils de guerre; un magistrat civil président, un second magistrat civil conseiller à l'une des cours d'appel ou président, vice-président ou juge effectif à l'un des tribunaux de première instance, un général, un colonel ou un lieutenant-colonel et un major pour la Cour militaire. L'arrêté-loi du 18 décembre 1945 crée par ailleurs des " petites chambres " au sein des conseils de guerre (46). Celles-ci sont restreintes à trois juges, un magistrat civil président, un officier supérieur et un officier subalterne, et chargées de traiter des dossiers à propos desquels l'auditeur militaire requérait une peine inférieure à quinze jours de prison.
Le président d'un conseil de guerre ne dispose que de peu de compétences propres. Sa fonction est comparable à celle du président d'une chambre correctionnelle d'un tribunal de première instance car il ne préside le tribunal militaire que pendant une courte durée. L'exercice de ses fonctions propres est essentiellement limité à la durée des audiences. Le président proclame les noms des membres militaires qui siégeront à la session suivante du conseil de guerre. Il surveille, avec le juge civil, la rédaction des procès-verbaux d'audience et la transcription des jugements effectuées par le greffier. Le président est également responsable de la police des audiences. Par contre, d'un point de vue judiciaire, le président du Conseil de guerre n'a aucune prérogative. Il ne délivre pas d'ordonnances, sauf dans le cas de la répression des crimes et des délits contre la sûreté de l'État (arrêté-loi du 26 mai 1944) où il peut se prononcer sur les requêtes de mise en liberté provisoire qui lui sont adressées. D'un point de vue disciplinaire, le magistrat civil dépend du président du tribunal dont il est détaché, tandis que les militaires ressortissent à leur hiérarchie au sein de l'armée.
La compétence territoriale de la Cour militaire et des conseils de guerre permanents est fixée depuis 1815 par le législateur. Initialement, ce ressort correspondait aux provinces, avant que le nombre de tribunaux militaires de première instance soit réduit. Comme évoqué précédemment, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale leur nombre est à nouveau augmenté afin de traiter des multiples dossiers relatifs aux infractions contre la sûreté de l'État. Cependant, au premier janvier 1955, il ne subsistera qu'un seul Conseil de guerre permanent situé à Bruxelles et ayant l'entièreté du pays pour ressort.
Quant à la Cour militaire, sa compétence s'étend à l'ensemble du territoire ainsi qu'au ressort des conseils de guerre en campagne. Son siège se trouve à Bruxelles, mais le Roi peut, en temps de guerre, lui en assigner un autre. La Cour militaire peut être temporairement divisée en plusieurs chambres qui siègent dans le ressort de chaque cour d'appel. Durant la répression de l'incivisme, on en comptera jusqu'à 24, dont certaines siégeaient à l'étranger (Allemagne et Grande-Bretagne).

Procédure devant l'auditeur militaire
La procédure suivie pour l'instruction des dossiers par l'auditeur militaire est la suivante. Après que les autorités judiciaires aient pris connaissance par le biais d'une déposition, d'une dénonciation, d'une plainte ou d'un procès-verbal d'un agent de police judiciaire, d'éléments de nature à justifier l'ouverture d'un dossier répressif, l'auditeur militaire (ou l'auditeur général si les faits incriminent un officier de haut rang) entame l'instruction. Celle-ci est menée par une commission judiciaire, composée de l'auditeur militaire et de deux officiers. Cependant, dans le cas de l'instruction de dossiers relatifs aux crimes et délits contre la sûreté de l'État, les fonctions dévolues normalement à la commission judiciaire étaient exercées uniquement par l'auditeur militaire, assisté d'un greffier (ou l'auditeur général lorsque l'inculpé est un militaire d'un grade supérieur à celui de capitaine-commandant). Cette disposition est consacrée par l'article 3 de l'arrêté-loi du 26 mai 1944 et justifiée par le fait que ces infractions n'étant pas des infractions de nature militaire, il est superflu d'adjoindre à l'auditeur militaire deux officiers (47). Cet article 3 supprime également, dans le cadre de la répression des crimes et délits contre la sûreté de l'État, la disposition prévue par le Code de procédure pénale militaire de 1814 selon laquelle l'accord du commandant territorial et de la commission judiciaire est nécessaire pour qu'une ordonnance de non-lieu puisse clôturer une instruction judiciaire, lorsque plainte a été dressée par l'autorité militaire à charge d'un militaire. Notons qu'il en sera de même pour l'instruction des crimes et délits commis au préjudice des armées alliées opérant en Belgique (48).
Durant la procédure d'instruction, s'il l'estime nécessaire, l'auditeur militaire peut ordonner la détention préventive du prévenu, et ce pendant la durée qu'il juge nécessaire, voire même pendant toute la durée entière de l'instruction. L'inculpé peut demander sa mise en liberté provisoire un mois après la date de délivrance du mandat d'arrêt. Une ordonnance est alors rendue par le conseil de guerre qui confirme la détention préventive ou ordonne la mise en liberté du détenu. Cette ordonnance n'est susceptible ni d'opposition, ni d'appel.
Outre la détention préventive, les personnes soupçonnées d'infraction peuvent faire l'objet d'un internement. Il s'agit en réalité d'une mesure administrative émanant du ministre de la Justice qui, en vertu de l'arrêté-loi du 12 octobre 1918 (49), peut faire interner toute personne, belge ou étrangère, que ses relations avec l'ennemi durant l'occupation rendaient suspecte. Par une circulaire en date du 21 août 1944, le ministre charge les procureurs du Roi, les auditeurs militaires, l'administrateur de la Sûreté de l'État et les bourgmestres de cette mission (50). Après audition et examen de leur dossier, les personnes internées sont soit placées sous mandat d'arrêt par les auditeurs militaires, soit libérées. Au 1er juin 1945, le nombre d'internements atteignait les 40.000, provoquant un certain arriéré dans le traitement des dossiers par les auditorats. Des commissions consultatives, présidées par des magistrats et des avocats, furent alors instituées afin de procéder à l'examen des dossiers.
L'auditeur militaire peut également ordonner la mise au secret d'un inculpé. Pendant une période maximale de trois jours, le détenu n'a de contact avec personne, tant avec sa famille ou son avocat, qu'avec d'autres détenus.
Une fois l'instruction terminée, l'auditeur militaire peut, lorsqu'il estime avoir suffisamment d'éléments permettant de démontrer qu'un crime ou un délit a été commis, renvoyer le prévenu devant le conseil de guerre. Il peut également proposer une transaction à l'intéressé, c'est-à-dire le paiement d'un montant sans renvoi devant un tribunal militaire. Si par contre, l'auditeur militaire estimait ne pas devoir poursuivre, il classait le dossier sans suite ou rendait une ordonnance de non-lieu (51). Il s'agit ici de la procédure suivie dans le cadre de l'instruction de dossiers relatifs aux crimes et délits contre la sûreté de l'État, puisque pour rappel, dans la procédure pénale militaire, l'ordonnance de non-lieu est rendue par la commission judiciaire.
Après une ordonnance de non-lieu, une instruction ne peut être rouverte que si surviennent de nouvelles charges. Étant donné que ces ordonnances ne sont pas des jugements d'un tribunal, mais une décision discrétionnaire d'un magistrat, les parties civiles ne peuvent exercer leurs droits si l'auditeur décide de ne pas poursuivre. Cette situation est fort différente d'une procédure pénale ordinaire car une décision de la sorte prise par une chambre du conseil est sujette à appel potentiel (52). En 1947, l'auditeur général donne instruction aux auditeurs militaires de convertir toute décision de classement sans suite en ordonnance de non-lieu car en effet le simple classement sans suite ne permet pas aux parties civiles de prendre connaissance du dossier. Enfin, deux ans plus tard, la Cour de cassation attribua la même valeur juridique à l'ordonnance de non-lieu rendue par l'auditeur militaire que l'ordonnance rendue par la chambre du Conseil.
Fin 1945, afin d'alléger la charge des tribunaux militaires, un arrêté-loi permet aux auditeurs militaires de proposer aux personnes inculpées d'infractions en matière d'incivisme une sorte " d'accord " lorsqu'ils estiment ne pas devoir requérir une peine criminelle. (53) La personne inculpée d'incivisme doit, pour bénéficier de cet accord, reconnaître sa culpabilité et les sanctions prononcées doivent comprendre la mise sous contrôle de la police pour une période de 2 à 5 ans et la déchéance à perpétuité des droits civiques. En outre, les sanctions proposées par l'auditeur militaire peuvent comprendre des peines d'emprisonnement, des peines d'amendes, ou encore la confiscation des sommes, biens ou avantages résultant de l'activité délictuelle. Si l'inculpé accepte la proposition, il est cité devant le conseil de guerre qui prononce en audience publique la condamnation de l'inculpé selon la proposition faite par l'auditeur. Si par contre, le conseil de guerre estime la proposition de l'auditeur inadaptée ou que l'inculpé la refuse, l'affaire est traitée selon la procédure ordinaire.
Une fois le prévenu cité à comparaître devant le conseil de guerre, le dossier est mis à sa disposition au greffe du conseil de guerre.
Épuration civique
Dans le cas de l'épuration civique, seuls les auditeurs militaires déterminent les personnes devant être déchues de leurs droits, les conseils de guerre n'interviennent pas. Les personnes frappées par l'épuration civique sont inscrites sur une liste. Cette inscription est notifiée aux intéressés par exploit d'huissier. Celui-ci doit contenir un bref exposé des faits qui ont motivé l'inscription. Les personnes déchues de leurs droits disposent d'un délai de 15 jours pour faire appel devant le tribunal civil de première instance du domicile ou du lieu de résidence de l'intéressé et, l'auditeur militaire peut y exercer les fonctions du Ministère public à la place du procureur du Roi. Le jugement rendu par cette instance est exécutoire par provision, c'est-à-dire qu'il doit être exécuté même si une des parties interjette appel devant la Cour d'appel. En outre ce jugement n'est pas susceptible d'opposition. L'appel peut être interjeté dans les huit jours après le prononcé du jugement rendu contradictoirement, ou dans les huit jours après la signification du jugement rendu par défaut. Un pourvoi en cassation est alors possible.
Si les intéressés ne font pas opposition auprès de l'auditeur militaire endéans les quinze jours suivant la notification, l'inscription devient définitive. Si la notification n'a pas été faite à la personne, le délai d'opposition est de deux mois.
Les interdictions prononcées dans le cadre de l'épuration civique sont en outre publiées au Moniteur belge et mentionnées dans les registres de population.

Dossiers relevant uniquement de l'Auditorat général
Les dossiers des auditorats militaires se rapportant à l'instruction de certaines infractions doivent être transmis à l'auditeur général. Une de ses circulaires prévoit en effet que " les dossiers qui seront constitués par vous, ainsi que les procès-verbaux, documents et pièces qui révéleraient soit des infractions de droit commun commises durant l'occupation par des ressortissants militaires ou civils des pays ennemis, soit des agissements qui pourraient être réputés de crimes de guerre devront être transmis à mon office ". (54)

Organisation de l'Auditorat militaire près le Conseil de guerre de Nivelles

(55)Face au nombre considérable de dossiers à traiter au lendemain de la libération de septembre 1944, le législateur augmenta considérablement le nombre de chambres et d'auditorats militaires établis sur le territoire. Par son arrêté du 23 octobre 1944, le Régent fixe temporairement à Nivelles le siège d'une chambre du Conseil de guerre permanent de Bruxelles et d'une section de l'Auditorat militaire de Bruxelles (56). Quelques mois plus tard, en mai 1945, cette chambre et cette section sont remplacées par un auditorat et un conseil de guerre permanent (57). Le Conseil de guerre et l'Auditorat militaire de Nivelles sont supprimés en date du 31 juillet 1947. Les dossiers du ressort de l'arrondissement de Nivelles sont dès lors traités par le Conseil de guerre de Bruxelles (58).
À la tête de l'Auditorat militaire se trouve André Huens (59), assisté par le premier substitut Pierre van Drooghenbroeck (60) qui deviendra Auditeur militaire en septembre 1946 lorsque André Huens occupera les fonctions de substitut de l'Auditeur général. Les substituts de l'auditeur miitaire de Nivelles sont Paul Lurquin (61), Maurice Diderich (62), W. Paternostre, Jean Harou (63), Ramon Ruttiens, F. Vandervorst, le baron Charles-Walter de Sélys Longchamps (64), Pierre Alexandre (65) et Robert della Faille de Leverghem. Quant au greffe il est dirigé par R. Moreau assisté de 12 greffiers adjoints (66).
L'auditorat est divisé en cabinets à la tête desquels se trouve un substitut. (67) Ces cabinets sont spécialisés en fonction des sujets à traiter: collaboration politique, collaboration économique, dénonciation, port d'uniforme, presse et propagande, délits de droit commun et délits commis contre les armées alliées, ou encore l'internement (68). À titre d'exemple, le cabinet 6 est chargé de l'instruction des infractions commises par des militaires.
Suite à l'entrée en vigueur de l'arrêté-loi du 19 septembre 1945 relatif à l'épuration civique, l'auditeur général prévoit que les sections des auditorats militaires spécialisées dans l'instruction des dossiers de collaboration politique et de port d'arme traiteront les cas visés par cet arrêté-loi. Face au surcroît de travail que l'entrée en vigueur de cet arrêté-loi occasionne pour ces sections, l'auditeur général envisage également de mettre à disposition de ces sections les magistrats des sections de droit commun dont les attributions seront considérablement réduites une fois que les juridictions militaires cesseront d'être compétentes en matière d'infractions relatives à la protection des armées belges, soit au 15 février 1946. (69)

Activités des juridictions militaires au lendemain de la Libération

Les dossiers du fonds dont il est question ici traitent presque exclusivement de la répression de la collaboration et des infractions commises en temps de guerre pour lesquelles les juridictions militaires deviennent les juges exclusifs. Le présent fonds ne compte en effet qu'une centaine de dossiers relatifs à des infractions commises par des militaires. Les dossiers sont des dossiers d'affaires classées sans suite ou faisant l'objet d'une ordonnance de non-lieu, en d'autres termes des dossiers qui n'ont pas dépassé le stade de l'instruction. Les activités des juridictions militaires relatives à la répression des collaborations seront donc amplement développées (70).
Durant la période de l'immédiat après-guerre, l'activité générale des parquets militaires a donné lieu à l'ouverture de 728.866 dossiers (de septembre 1944 au 31 décembre 1949). Après avoir éliminé les dossiers faisant double emploi dans un même auditorat, etc., John Gilissen arrive à un total de 561.346 dossiers instruits par les auditorats militaires pour cette période. Il constate également que la ventilation de ces 561.346 dossiers entre les divers chefs de compétence des juridictions militaires s'établit comme suit:
incivisme: 405.067 dossiers;
compétence ratione personae à l'égard des militaires et des personnes à la suite de l'armée: 47.820 dossiers;
infractions contre les armées belges et alliées: 51.332 dossiers;
vols en temps d'occultation: 37.275 dossiers;
compétence ratione personae à l'égard des résistants: 2.231 dossiers;
crimes de guerre: 3.455 dossiers;
divers (réquisitions, etc.): 14.166 (71).

Parmi les dossiers ouverts pour incivisme, un sort spécial doit être réservé aux dossiers ouverts en cause des travailleurs volontaires en Belgique ou en Allemagne. Ces individus tombent en effet sous l'application de l'article 115 du Code pénal (aide et fourniture à l'ennemi). Les parquets militaires ont dès lors été saisis d'un très grand nombre de procès-verbaux en cause de personnes ayant travaillé volontairement pour l'ennemi (près de 59.000 dossiers ont été ouverts). Cependant, il s'avéra inopportun de poursuivre ce très grand nombre de travailleurs et des instructions furent données de ne pas exercer de poursuites pour pareils faits (72).
Le nombre de dossiers ouverts en matière d'incivisme peut paraître considérable mais il faut bien évidemment y apporter quelques nuances et observations. Tout d'abord, il ne faut pas perdre de vue que toute plainte, dénonciation, lettre, toute pièce saisie, trouvée ou remise, doit faire l'objet d'un dossier (pour autant qu'elle ne concerne pas une affaire déjà en cours). En outre, ce nombre ne correspond pas nécessairement à autant d'individus. Non seulement un certain nombre de dossiers furent ouverts " à charge d'inconnus " (surtout dans le cas de dénonciations), mais aussi dans de nombreux cas un dossier a été ouvert dans plusieurs parquets à charge de la même personne. Même pour des faits plus graves, des poursuites ont quelquefois eu lieu devant des conseils de guerre différents, à charge de la même personne, du chef d'infractions différentes.
Des 400.000 dossiers ouverts en matière d'incivisme, environ 285.000 furent classés sans suite (soit 71,12% des dossiers ouverts) et environ 58.500 (soit 14,74%) se sont terminés par un non-lieu. 57.052 personnes furent poursuivies (soit 14%) et 53.005 condamnées. 1.202 furent condamnées contradictoirement à mort et 242 d'entre elles fusillées. Plus de 60% des condamnés le furent du chef d'avoir porté les armes contre la Belgique. La collaboration politique, administrative et culturelle arrive en deuxième position (27%), suivie de la dénonciation à l'ennemi (8%) et de la collaboration économique (4%) (73). Quant à l'épuration civique, elle toucha davantage les collaborateurs politiques. Les auditeurs ont inscrit 43.093 Belges sur la liste qui entraînait une déchéance de droits, et 20.652 de ces inscriptions furent maintenues (74).
La très grande majorité des dossiers noticés en matière d'incivisme sont entrés aux parquets militaires entre 1944 et 1946.
Le domicile du prévenu, ou plus rarement le lieu de l'infraction, déterminait quel auditorat et quel Conseil de guerre était compétent pour instruire et juger le dossier.
Si l'on se penche au niveau de l'arrondissement judiciaire de Nivelles, 8.817 dossiers ont été noticés pour la période 1944-1947, ce qui pour rappel ne signifie pas qu'ils concernaient autant d'individus.

; Nombre de dossiers noticés
1944; 2687
1945; 4396
1946; 1630
1947; 104
Total; 8.817

Parmi l'ensemble de ces dossiers, 129 concernent des infractions commises par des militaires. Les 8.688 autres dossiers sont principalement des dossiers ouverts pour incivisme, infractions contre les armées belges et alliées et vols en temps d'occultation.

Dossiers ouverts pour incivisme
John Gilissen estime à 3.070 le nombre de dossiers ouverts par l'auditeur militaire de Nivelles en matière d'incivisme, soit un pourcentage de 1,7% par rapport à la population de l'arrondissement. Ce rapport s'élève à 4,15% pour l'ensemble du pays (75). Il a également étudié la répartition géographique des dossiers en matière d'incivisme classés sans suite ou qui ont fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu ou de poursuite, à l'exception de ceux concernant les travailleurs volontaires. Pour Nivelles, il arrive à 2.042 dossiers classés sans suite, soit 66,5% des dossiers, 521 dossiers terminés par un non-lieu (17%) et 507 dossiers ayant fait l'objet de poursuites (16,5% des dossiers). Si on compare le nombre de poursuites à la population de l'arrondissement, on obtient un rapport de 2,9‰. Ces chiffres ne peuvent malheureusement pas être vérifiés car un quart des dossiers noticés de l'Auditorat militaire de Nivelles a été détruit (environ 2.250).

Issues des dossiers instruits pour incivisme par l'auditeur militaire de Nivelles
Statistiques des prévenus; Nombre total de dossiers ouverts en matière d'incivisme; s.s; NL; Poursuites
; ; ; % (76) ; ; % ; ; %
Nivelles; 3.070; 2.042; 66.5; 521; 17; 507; 16.5
Belgique; 346.283; 230.472; 66.6; 58.566; 16.9; 57.052; 16.5 (77)

Épuration civique
D'une façon globale, après un démarrage plutôt lent en décembre 1945, on assiste dans les six premières semaines de 1946 à un déluge d'inscriptions sur la liste de déchéance des droits civiques. Cette recrudescence des inscriptions doit être mise en rapport avec la tenue d'élections législatives en février de cette année (78). L'ensemble des opérations ne se termina qu'à la fin de 1947. Cependant, suite à la promulgation de la loi correctrice du 14 juin 1948, de nombreuses personnes interjettent appel par rapport à la déchéance à laquelle ils avaient été condamnés.
Dans l'arrondissement judiciaire de Nivelles, ce seront 379 inscriptions qui seront notifiées, soit un rapport de 2,1‰ par rapport à la population totale de l'arrondissement. Sur ces 379 premières inscriptions, 241 seront confirmées définitivement après les procédures d'appel (soit un rapport de 1,35‰). À titre comparatif, le rapport moyen pour l'ensemble de la Wallonie (hors cantons de l'Est) est de 3,3‰ pour les premières inscriptions et de 1,59‰ pour les inscriptions définitives (79).

Activités des conseils de guerre
Une statistique du nombre d'arrêts ou de jugements rendus par une juridiction reflète d'une manière précise l'activité de celle-ci. Cependant, elle est peu utile pour l'étude de la criminalité car elle ne correspond pas au nombre d'individus jugés. Une seule décision judiciaire peut en effet intéresser plusieurs individus ou encore un individu peut avoir fait l'objet de plusieurs décisions judiciaires (80).
Les conseils de guerre ont rendu, de septembre 1944 jusqu'à fin 1949, près de 86.800 jugements en toutes matières (jugements contradictoires et sur opposition). Parmi ces décisions, un peu plus de 56.000 concernent des individus inculpés pour incivisme. Le nombre de jugements relatifs aux affaires relevant d'autres matières s'élève à 30.778 (81). Au total, ce sont 86.917 personnes qui seront condamnées par les conseils de guerre entre septembre 1944 et la fin 1949, dont 53.000 à 56.000 Belges pour incivisme (82).

Nombre total d'individus condamnés par les juridictions militaires (83)
Prévention; Par jugement contradictoire des conseils de guerre; Par arrêt contradictoire de la Cour militaire; Par jugement ou arrêt par défaut; Total; %
Incivisme; 33.840; 15.000; 4.165; 53.005; 60,98
Protection des armées alliées; 19.333; 2; 994; 20.329; 23,39
Vols durant l'occultation; 4.195; 10; 288; 4.493; 5,17
Crimes de guerre; 9; 24; 8; 41; 0,05
Infractions commises par des militaires; 6.548; 769; 729; 8.046; 9,26
Infractions commises par des résistants; 19; 6; 0; 25; 0,03
Divers; 629; 178; 171; 978; 1,12
Toutes préventions réunies; 64.573; 15.989; 6.355; 86.917; 100

Si l'on analyse plus en profondeur les chiffres relatifs aux personnes condamnées pour incivisme, on obtient la ventilation du nombre de condamnés en fonction du type d'infraction (84):

Répartition des condamnés pour incivisme en fonction des infractions
Infraction; Nombre d'individus condamnés; %
Art 113 seul; 21.670; 40,88
Art 113+118 bis; 6.799; 12,83
Art 115 seul; 1.504; 2,84
Art 118 bis seul; 11.297; 21,31
Art 121 bis seul; 4.101; 7,74
Autres préventions seules; 477; 0,9
Préventions multiples; 7.157; 13,5
Total; 53.005; 100

Le nombre d'individus condamnés pour port d'arme reste de loin le plus important de l'ensemble des condamnés pour incivisme.

Activité du Conseil de guerre de Nivelles (85)
Le Conseil de guerre de Nivelles a rendu 1.055 jugements en toute matière. Parmi ces jugements, 45 sont des jugements sur opposition. Cinq dossiers devant être jugés par le Conseil de guerre ont été clos suite au décès de l'inculpé (86). Quant au nombre de jugements ayant fait l'objet d'un appel, les différents auteurs consultés parlent d'un taux de 42 % pour les dossiers jugés en matière d'incivisme (87).

Activité du Conseil de guerre de Nivelles
Année du jugement; Nombre de jugement; Dont opposition; Action publique éteinte
1944; 7; ;
1945; 585; 29;
1946; 344; 11; 3
1947; 120; 5; 2
Total; 1.055; 45; 5

Parmi ces 1.055 jugements, 12 concernent des infractions commises par des militaires (88). Pour la nature des autres préventions dont il était question dans les jugements du Conseil de guerre de Nivelles, l'étude de John Gilissen peut être citée. Cependant, il y parle du nombre d'individus jugés et non du nombre de jugements. Il estime à 1.003 le nombre d'individus jugés par le Conseil de guerre de Nivelles, parmi lesquels 686 personnes jugées pour incivisme, 152 pour infraction contre les armées alliées, 106 pour vol durant l'occultation et 56 pour des motifs " divers " (89).
Parmi les 686 personnes jugées pour incivisme, 627 ont été condamnées (48 par défaut, 326 contradictoirement sans appel et 253 en appel) (90). J. Gilissen a également étudié l'échelle générale des peines rendues contradictoirement par le Conseil de guerre de Nivelles. Sur les 326 individus condamnés, 107 ont reçu une peine criminelle et 219 une peine correctionnelle.
Enfin, autre pan des activités des conseils de guerre: statuer sur les requêtes de remises en liberté. Pour rappel, l'inculpé détenu sous mandat d'arrêt peut, après l'expiration du délai d'un mois après la délivrance de celui-ci, demander sa mise en liberté provisoire par une requête écrite adressée au président du Conseil de guerre (ou de la Cour militaire si l'instruction est faite par l'auditeur général). Les juridictions militaires ont reçu 33.589 demandes en ce sens qui débouchèrent, dans 28 % des cas, sur une remise en liberté. Le Conseil de guerre de Nivelles statua sur 670 requêtes qui aboutirent dans 68 cas à la libération du prévenu (91).

Archives

Historique

Les archives des juridictions militaires encore aux mains de ces juridictions avant leur suppression étaient placées sous la responsabilité des greffiers en chef. Bien souvent, les archives d'un auditorat et d'un Conseil de guerre sont rangées dans un même local et gérées par la même personne. Suite à la suppression progressive des auditorats et des conseils de guerre, les archives se rapportant à ces juridictions ont été rassemblées et conservées en divers endroits: une partie est conservée à Louvain dans des locaux de la caserne Michotte spécialement aménagés à cet effet, le reste est conservé au palais de justice de Bruxelles (92).
Les archives constitutives de ce fonds ont été versées aux Archives générales du Royaume en mars 1991. Les archives du Conseil de guerre de Nivelles furent jointes à ce versement. Cependant, étant donné que le Conseil de guerre et l'Auditorat militaire sont deux producteurs d'archives distincts, il a été décidé de scinder le versement (93).
Les archives étaient accompagnées d'un bordereau assez volumineux, reprenant par année et par numéro de notice, les dossiers ayant fait l'objet d'un jugement ou ceux ayant été détruits. Les dossiers provenant du Conseil de guerre étaient quant à eux repris dans le bordereau par le numéro de jugement s'y rapportant. Un tableau de correspondance entre les numéros de jugement et les numéros de notice ainsi que la liste des dossiers détruits étaient également repris dans ce bordereau.
Notons cependant que nous ne disposons malheureusement pas du registre des notices, c'est-à-dire du regsitre répertoriant l'ensemble des dossiers d'instruction produits par l'auditorat militaire de Nivelles.
Suite à la création du dépôt des Archives de l'État à Louvain-la-Neuve, le fonds a été transféré des AGR vers ce nouveau dépôt en 2007.

Contenu

Les dossiers constitutifs de ce fonds sont les dossiers d'affaires classées sans suite, ayant fait l'objet d'un non-lieu ou ayant été transférées vers d'autres juridictions par l'auditorat militaire près le Conseil de guerre de Nivelles. Ces dossiers concernent dès lors des instructions ouvertes en matière d'infractions commises par des militaires, mais également par des civils car, pour rappel, les juridictions militaires sont les juges exclusifs de certaines infractions commises en temps de guerre uniquement.
Les dossiers constitutifs de ce fonds ont été créés entre 1944 et 1947. Il arrive cependant que certains dossiers contiennent des pièces antérieures ou postérieures à cette période. Cela s'explique par la présence de pièces à convictions, de documents servant de preuve à l'activité repprochée durant la Seconde Guerre mondiale, ou encore de documents servant à prouver une qualité déjà acquise avant le conflit (extraits d'actes par exemple). La présence de pièces postérieures à l'instruction du dossier s'explique quant-à-elle par le fait que le greffier chargé de la conservation des dossiers y a parfois inclus des documents ayant un lien avec l'affaire instruite. On retrouve par exemple des demandes de renseignement émanant d'une autorité sur le suspect ou encore des demande de consultation du dossier.
Le contenu des dossiers instruits par les auditorats militaires a fait l'objet de plusieurs directives de la part de l'auditeur général. Les dossiers classés sans suite ou ayant fait l'objet d'un non-lieu sont composés d'une série de sous-fardes dont le nombre varie en fonction de l'importance de l'enquête.

Dossiers classés sans suite
Sur la couverture de chaque dossier classé sans suite sont repris les nom et prénom du suspect, son lieu de résidence ou de domicile, la prévention et le nom du préjudicié éventuel. Le numéro de notice ainsi que le numéro du cabinet et le nom du substitut instruisant l'affaire, et la date du classement sans suite sont également repris. Si le prévenu a fait l'objet d'une procédure en matière d'épuration civique, le numéro de dossier ouvert dans ce cadre est mentionné sur la couverture. Cette dernière est en outre estampillée " S.-S. " et un cachet " M " est également apposé lorsqu'il s'agit de dossiers relatifs à des militaires. Pour les plus " grosses affaires ", le dossier est subdivisé en plusieurs sous-fardes réparties comme suit:
" Pièces de forme ". Il s'agit des demandes d'extraits de naissance, de bulletins de renseignements;
" Antécédents ". Il s'agit des actes de naissance, du bulletin de renseignement du suspect, d'extraits du casier judiciaire. Souvent les fardes " antécédents " et " pièces de forme " ne forment qu'une;
" Internement " (correspondance échangée avec le bourgmestre de la commune où réside le suspect demandant à procéder à l'internement);
" Détention préventive " (mandat d'arrêt, mandats d'amener, éventuelles ordonnances de remises en liberté);
" Expertises ";
" Documents " ou " pièces à convictions ";
" Information-Instruction " (procès-verbaux des interrogatoires, des dépositions de témoins, demandes de devoir d'enquête, etc.).
Sur chacune de ces sous-fardes sont mentionnées la date et la nature des documents qui y sont repris.
Dans les dossiers moins volumineux, on ne trouve généralement que le bulletin de renseignement, la plainte, la dénonciation ou les procès-verbaux de constats d'infractions, et les procès-verbaux relatifs à l'instruction (interrogatoires, audition de témoins éventuels, etc.).

Dossiers ayant fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu
Dans le cas de dossiers de non-lieu, chaque dossier est rangé dans une farde dont la couverture reprend le numéro de notice, le numéro du cabinet compétent et le nom du substitut, l'identité du suspect (nom, prénom, profession, lieu et date de naissance, domicile ou résidence), la prévention ainsi que la date de l'ordonnance de non-lieu. Cette farde est en outre estampillé " N.-L. ". Les dossiers sont également subdivisés en sous-fardes dont le nombre varie en fonction de l'importance du dossier. Ces sous-fardes sont les mêmes que celles énoncées précédemment, si ce n'est que la farde " Information-Instruction " contient en outre l'ordonnance de non-lieu.

Dossiers transmis à d'autres juridictions
Il arrive qu'en cours d'instruction, le dossier soit transmis à un autre parquet militaire ou à d'autres juridictions ou autorités si l'auditeur militaire s'estime incompétent pour continuer les poursuites. C'est notamment le cas des dossiers se rapportant à des étrangers qui sont transmis à l'Administration de la police des étrangers, les dossiers concernant des militaires étrangers qui sont transmis aux autorités étrangères, ou encore les dossiers se rapportant à des mineurs d'âge qui sont transférés au Juge des enfants.
La couverture des dossiers transmis à d'autres parquets ou juridictions reprend le nom et prénom du suspect, son lieu de résidence ou de domicile, la prévention et le nom du préjudicié éventuel. Le numéro de notice, le numéro du cabinet et le nom du substitut instruisant l'affaire ainsi que la date de transfert du dossier et la juridiction à laquelle le dossier a été transféré sont également inscrits. La couverture est estampillée " PD ". Au sein du dossier on trouve une apostille attestant du transfert du dossier et éventuellement un exemplaire de la plainte ou du procès-verbal à l'origine de l'instruction.
Au sein des dossiers sans suite ou de non-lieu peuvent également se trouver des fardes relatives à l'épuration civique. Ces fardes sont de deux types: lorsque le comportement du prévenu le rend susceptible d'être déchu de ses droits civils et politiques, le dossier contient une farde du bureau en charge de l'épuration civique au sein de l'auditorat militaire. Sur cette farde sont repris le numéro de dossier dans le cadre de l'épuration civique ainsi que les nom et prénoms du prévenu, le cabinet en charge de l'affaire, le numéro de notice ainsi que la mention de l'application ou non de la déchéance de droits. Si après enquête le prévenu est effectivement déchu de ses droits, on trouve dans son dossierun autre type de farde, estemplillée " épuration civique ". Sur la couverture de celle-ci, on trouve la mention du numéro de notice du dossier, du numéro de dossier dans le cadre de l'épuration civique, du numéro d'inscription à la liste, des noms, prénoms, profession, lieu et date de naissance et domicile du prévenu, de la déchéance obligatoire et/ou facultative des droits justifiée sommairement, de la date de l'inscription provisoire et de l'inscription définitive à la liste, de la date de publication au Moniteur belge, de la date d'opposition, de recours ou d'appel éventuel ainsi que de la date du jugement et de la décision qui en est ressortie. Au sein de cette farde, on trouve généralement un exemplaire du Moniteur belge dans lequel est publiée la décision d'inscription à la liste, la décision de l'auditeur militaire relative à l'inscription, une copie du jugement rendu par le tribunal de première instance dans le cas d'une opposition et de l'arrêt rendu par la cour d'appel (s'il y a eu appel), le bulletin de condamnation extrait du casier judiciaire, les exploits d'huissier notifiant à l'intéressé son inscription sur la liste, notifiant la déchéance des droits à l'officier d'état civil de la commune où l'intéressé réside et la chemise d'instruction du parquet.

Langue et écriture des documents
La plupart des documents sont en français. Quelques pièces sont en néerlandais ou en allemand.

Sélections et éliminations

Depuis leur arrivée aux Archives de l'État, ces dossiers n'ont fait l'objet d'aucune élimination. Cependant, d'après les indications reprises dans le bordereau de versement, nous pouvons estimer que sur les 8.817 dossiers noticés, près d'un quart a été détruit pour des raisons que nous ignorons (94).

Accroissements / compléments

Le fonds dont il est ici question concerne uniquement la série des dossiers classés sans suite ou ayant fait l'objet d'un non-lieu (ainsi que ceux transférés à d'autres juridictions). Or les auditorats militaires conservent d'autres documents se rapportant aux procédures en matière répressive, et ceux-ci n'ont fait l'objet d'aucun versement pour l'Auditorat militaire de Nivelles. Il s'agit entre autres de correspondance, du registre des notices, des documents se rapportant à l'exécution des jugements, etc. mais aussi et surtout pour la période durant laquelle a fonctionné l'Auditorat militaire de Nivelles des dossiers relatifs à l'épuration civique et à l'inscription sur la liste de déchéance des droits civils et politiques.

En outre, en dehors des dossiers se rapportant à la procédure répressive, les dossiers relatifs aux autres compétences de l'auditeur militaire de Nivelles n'ont pas encore été versés. Il s'agit entre autres des archives administratives (documents relatifs à la gestion financière de l'auditorat, documents relatifs à la surveillance du greffe, etc.), des archives relatives à la compétence disciplinaire, celles relatives à la surveillance des procédures ou encore celles relatives à sa compétence en matière de politique pénale (95).

Mode de classement

Les dossiers des affaires classées sans suite par les auditorats militaires ou ayant fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu sont classés en une seule et même série au sein du greffe de l'auditorat. Les dossiers sont classés par numéro de notice, et donc chronologiquement puisque la numérotation recommence chaque année. Ce numéro de notice correspond à l'ordre d'enregistrement de la plainte, de la dénonciation ou du premier procès-verbal à l'origine de l'affaire. Les dossiers concernant les affaires jointes sont le plus souvent joints au premier dossier ouvert, mais ce n'est pas toujours le cas. Dès lors, nous avons mentionné dans les descriptions de l'inventaire les numéros de dossiers joints, lorsque le cas se présente. En outre, sont inclus dans à la série des dossiers classés sans suite ou terminés par un non-lieu, les dossiers transmis à d'autres parquets militaires ou à d'autres juridictions, dont l'auditorat conserve la couverture et l'une ou l'autre pièce.

Conditions d'accès

Les archives de ce fonds ne sont pas publiques étant donné qu'elles contiennent des données à caractère personnel. Conformément à l'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950portant règlement sur les frais de justice en matière répressive (96), modifié par l'arrêté royal du 17 décembre 2003 réglant la destination des archives des juridictions militaires supprimées et portant diverses mesures et modifications concernant le Collège des Procureurs généraux (97), l'autorisation de consulter les dossiers des juridictions militaires datant de moins de 100 ans doit être demandée auprès du Collège des Procureurs généraux.
Nous attirons l'attention des chercheurs sur le fait que les descriptions du présent inventaire ne reprennent aucune donnée à caractère personnel permettant d'identifier les personnes concernées par ces dossiers. La législation sur la protection de la vie privée n'autorise en effet pas la communication de l'identité des individus ou de toute information permettant d'identifier une personne que si les faits sont déjà connus du public, par exemple par voie de presse, ou si les intéressés sont décédés, ou s'ils ont donné leur accord préalable à la publication de leur nom. Les Archives de l'État disposent néanmoins d'un relevé complet de l'identité des intéressés.

Conditions de reproduction

Les règles et les tarifs en vigueur aux Archives de l'État sont d'application. Vous serez averti lors de la commande si un document ne peut pas être reproduit.

Recommandations pour l'utilisation

Lorsqu'il s'agit de dossiers sans suite, les préventions dont sont soupçonnées les personnes sont parfois très vagues. Il est en effet très rare qu'il soit fait mention de l'article du Code pénal ou de la loi auquel se rapporte l'infraction. Ce manque de précision se traduit dans l'inventaire. L'objet de l'infraction est donc repris dans les descriptions tel qu'il est mentionné dans les dossiers. De même, lorsque des individus étaient soupçonnés d'avoir appartenu à l'Organisation Todt (98) ou au Nationalsozialistisches Kraftfahrkorps (NSKK) (99), la présomption d'appartenance a été laissée dans les descriptions du présent inventaire. En effet, l'engagement dans ces deux organismes était parfois qualifié de port d'arme ou de travail volontaire pour l'ennemi, soit des infractions à deux articles différents du Code pénal.
Pour les dossiers clôturés par un non-lieu, le problème ne se pose pas car l'ordonnance de non-lieu reprend l'article du Code pénal ou de la loi qui a été enfreint.
Toutes données personnelles permettant d'identifier les intéressés ont été soustraites des descriptions. Il s'agit non seulement des noms et prénoms, mais également des professions lorsque celles-ci sont trop spécifiques. Cependant, cette absence de données n'empêche pas un traitement statistique de certaines données (par exemple âge et sexe des suspects, pourcentage de dossiers sans suite ou terminés par un non-lieu par rapport au type d'infraction,...). Certaines données relatives aux sociétés commerciales et aux entreprises ont également été anonymisées. En effet, bien que la loi sur la protection de la vie privée et les données à caractère personnel ne s'applique pas aux personnes morales, la dénomination de certaines société s'identifiait à une personnes physique. C'est souvent le cas dans l'appellation des petites entreprises familiales. Nous avons donc décidé de soustraire ces données.

Sources complémentaires

Les archives du Conseil de guerre de Nivelles relatives au jugement des militaires ont été versées en 1991 et faisaient partie à l'origine du même fonds que les archives qui font l'objet du présent inventaire. Ces archives du Conseil de guerre ont été inventoriées (100).
Quant aux autres dossiers de l'Auditorat militaire de Nivelles (voir point le point consacré aux accroissements futurs développé ci-dessus), ils sont toujours conservés au palais de Justice de Bruxelles.
En matière d'épuration civique, les Rôles d'épuration civique (1949-1963), ainsi que les Registres des jugements en matière d'épuration civique (1946-1950) peuvent être consultés au sein des archives du Tribunal de première instance de Nivelles (101). En outre, les archives des commissions consultatives provinciales, commissions chargées de statuer sur l'internement des suspects peuvent apporter des renseignements complémentaires sur les personnes soupçonnées d'incivisme.

Bibliographie


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DEPOORTERE R., Directives et recommandations au greffier en chef relatives à la conservation, au tri et au transfert des archives des auditorats militaires près les conseils de guerre permanents, AGR, Bruxelles, 2000 (Miscellanea archivistica. Manuale 37).
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" La répression de l'incivisme en Belgique. Aspects judiciaire, pénitentiaire et social ", dans Revue de droit pénal et de criminologie, 1947.
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Van Den bossche J. et Prignon G., " La compétence et la procédure des Conseils de guerre et de la Cour militaire ", dans Journal des tribunaux, n° 3621, 1947, pp. 73-78.
Yante J.-M., " La sauvegarde des archives judiciaires en Belgique. Enjeux, réalisations et projets ", dans Archives et bibliothèques de Belgique. Actes de la section archivistique du 6ème congrès de l'association des cercles francophones d'histoire et d'archéologie de Belgique et LIIIème congrès de la fédération des cercles d'archéologie et d'histoire de Belgique. Mons, 25-27 août 2000,n° 1-4, T. LXXI, 2000, pp. 119-137.

Contrôle de la description

Le travail de classement et de description des articles du présent inventaire a été réalisé aux Archives de l'État à Louvain-la-Neuve du mois d'août 2008 au mois de septembre 2009, par Flore Plisnier, assistante sous mandat aux Archives de l'État à Louvain-la-Neuve, qui a également rédigé la description générale du fonds.
Le travail d'étiquetage et de conditionnement du fonds a été réalisé durant les mois d'août et de septembre 2009 par Laura Godinas, Claire Van Eeckenrode, Fabian Desmet et Emily Bouillot. PDF

Liste des infractions contre la sûreté extérieure et intérieure de l'État

Liste des infractions contre la sûreté extérieure et intérieure de l'État reprises dans les articles 101 à 136 du Code pénal et dans certaines dispositions pénales particulières:

I. Infractions prévues par le Code pénal:

Article 101:attentat contre la vie ou contre la personne du Roi;
Article 102: attentat contre la vie de l'héritier présomptif de la couronne;
Article 103:attentat contre la vie de la Reine, des parents et alliés du Roi en ligne directe, des frères du Roi, ayant la qualité de belges, contre la vie du Régent, ou contre la vie des ministres exerçant, dans les cas prévus par la Constitution, les pouvoirs constitutionnels du Roi;
Articles 104 et 105:attentat dont le but est, soit de détruire, soit de changer la forme du gouvernement ou l'ordre de successibilité au trône, soit de faire prendre les armes aux citoyens ou aux habitants contre l'autorité royale, les Chambres législatives ou l'une d'elles;
Articles 106 à 112: complot contre la vie ou contre la personne du Roi, contre la vie ou contre la personne de l'héritier présomptif de la couronne, contre la vie ou contre la personne, soit des membres de la famille royale énumérés à l'article 103, soit du Régent, soit des ministres exerçant les pouvoirs constitutionnels du Roi;
Article 113: avoir porté les armes contre la Belgique ou contre les alliés de la Belgique agissant contre l'ennemi commun (plus communément appelé collaboration armée);
Article 114: avoir pratiqué des machinations ou entretenu des intelligences avec une puissance étrangère ou avec toute personne agissant dans l'intérêt d'une puissance étrangère, pour engager cette puissance à entreprendre la guerre contre la Belgique, ou pour lui en procurer les moyens;
Article 115: secours à l'ennemi sous forme de soldats, hommes, argent, vivres, armes ou munitions (plus communément appelé collaboration économique);
Articles 116, 117 et 118: avoir livré des secrets à l'ennemi ou à une puissance étrangère;
Article 118 bis: avoir participé à la transformation par l'ennemi d'institutions ou d'organisations légales, ébranlé en temps de guerre la fidélité des citoyens envers l'État et le Roi, avoir sciemment servi la politique ou les desseins de l'ennemi, ou encore avoir sciemment dirigé, pratiqué par quelque moyen que ce soit, provoqué, aidé ou favorisé une propagande dirigée contre la résistance à l'ennemi ou à ses alliés, ou tendant aux faits énumérés ci-dessus (plus communément appelé collaboration politique ou intellectuelle);
Article 119: avoir livré des secrets à une personne non qualifiée;
Article 120: appropriation indue de secrets;
Articles 120 bis et 120 ter: investigations nuisibles en vue de livrer des secrets;
Articles 120 quater à 120 septies: avoir aidé un auteur d'infraction aux articles 120 et 120 bis du Code pénal;
Article 121: recel de personnes poursuivies ou condamnées du chef d'infraction contre la sûreté extérieure de l'État;
Article 121 bis: avoir, par la dénonciation d'un fait réel ou imaginaire, exposé une personne quelconque aux recherches, poursuites ou rigueurs de l'ennemi;
Article 122:destruction ou tentative de destruction d'objets dans l'intention de favoriser l'ennemi;
Article 122 bis: établissement de réseaux de renseignementfonctionnant sur le territoire du Royaume dans l'intérêt et au préjudice de puissances étrangères;
Article 123 à 123 ter: avoir exposé l'État à des hostilités de la part d'une puissance étrangère par des actions hostiles non approuvées par le gouvernement;
Article 123 quater et 123 quinquies: complot afin de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les propriétés dans le but d'entraver, en temps de guerre, soit la défense du territoire, soit la mobilisation, soit le ravitaillement en vivres, armes ou munitions de l'armée;
Article 123 sexies à 123 decies: déchéance de différents droits prévue pour les coupables de certaines infractions;
Article 124: attentat dont le but est d'exciter la guerre civile en armant ou en portant les citoyens ou habitants à s'armer les uns contre les autres;
Article 125:attentat dont le but est de porter la dévastation, le massacre ou le pillage dans une ou plusieurs communes;
Article 126: avoir levé ou fait lever des troupes armées, engagé ou enrôlé, fait engager ou enrôler des soldats, ou leur avoir fourni ou procuré soit des armes, soit des munitions, sans ordre ni autorisation du gouvernement;
Article 127:avoir pris, sans droit ni motif légitime, le commandement d'un corps d'armée, d'une troupe, d'un bâtiment de guerre, d'une place forte, d'un poste, d'un port, d'une ville;
Articles 128 à 134: s'être mis à la tête de bandes armées, pour s'emparer des deniers publics, pour envahir des domaines, propriétés, places, villes, forteresses, postes, magasins, arsenaux, ports, vaisseaux ou bâtiments appartenant à l'État, pour faire attaque ou résistance envers la force publique ou pour perpétrer un attentat contre le Roi, la famille royale et le gouvernement;
Article 135 à 135 ter: avoir reçu d'une personne ou d'une organisation étrangère et sous quelque forme que ce soit, des dons, présents, prêts ou autres avantages, destinés ou employés en tout ou en partie à mener ou à rémunérer en Belgique une activité ou une propagande de nature à porter atteinte à l'intégrité, à la souveraineté ou à l'indépendance du royaume, ou à ébranler la fidélité que les citoyens doivent à l'État et aux institutions du peuple belge;
Article 135 quater: avoir obtenu ou tenté d'obtenir un engagement à servir dans une armée ou troupe étrangère, d'un mineur non autorisé à cet effet par ses parents, son tuteur ou son curateur;
Article 136: prévoit une réduction de peine pour les coupables qui, avant tout attentat et avant toutes poursuites commencées, auront donné à l'autorité connaissance de ces complots ou de ces infractions, et de leurs auteurs ou complices.

II. Infractions prévues par des législations particulières (102):
Loi du 24 juillet 1923 (103), notamment complétée par l'arrêté-loi du 15 avril 1940 (104) concernant la protection des pigeons militaire et la répression de l'emploi de pigeons pour l'espionnage;
Arrêté royal du 19 juillet 1926 (105) modifié par l'arrêté royal du 3 décembre 1934 (106) déterminant les mesures destinées à réprimer les avis ou informations de nature à ébranler le crédit de l'État;
Loi du 29 juillet 1934 (107) interdisant les milices privées et complétée par la loi du 4 mai 1936 (108);
Arrêté royal du 25 août 1939 relatif à la divulgation, la diffusion, la publication ou la reproduction de certaines informations militaires (109);
Arrêté-loi du 10 novembre 1939 interdisant l'envoi et la distribution de tracts à l'armée (110);
Arrêté royal du 10 novembre 1939 relatif aux réunions publiques dans les lieux de cantonnements militaires (111);
Arrêté-loi du 18 novembre 1939 interdisant la prise de photographies de troupes et de dessins de matériel militaire (112);
Arrêté royal du 27 décembre 1939 concernant l'introduction en Belgique, le transport, la distribution et la mise en vente de certaines publications (113);
Loi du 22 mars 1940 relative à la défense des institutions nationales (114);
Arrêté royal du 25 avril 1940 relatif aux rassemblements en plein air (115);
Arrêté royal du 30 avril 1940 relatif à la défense et à la sécurité du pays (116);
Arrêté-loi du 10 avril 1941 relatif à l'interdiction des relations d'ordre économique avec l'ennemi (117);
Arrêté-loi du 24 mai 1944 relatif à la protection des armées alliées (118).

Liste des abréviations

DAF Deutsche Arbeitsfront
Ets Établissements
MB Moniteur belge
MB Lond Moniteur belge de Londres
NL Non-lieu
NSDAP Nationalsozialistische Deutsch Arbeiterpartei
NSKK Nationalsozialistisches Kraftfahrkorps
SA Société anonyme
SNCB Société nationale des chemins de fer belges
SPRL Société privée à responsabilité limitée
s.s. Sans suite